Patouche – Nicole Patoux (1956-2042)
Elle fit les beaux jours du cabaret Poil de terre avec ses sketches inénarrables sur son beau-père et sa famille imbécile.
Son personnage de Mon onc’ Furonc’ acquit une telle renommée qu’il lui suffisait d’entrer en scène, porteuse du fameux cintre qui lui servait de moustache, pour que le parterre gargouillât des cascades de rire.
Patouche raconte :
Le rire est terriblement contagieux. Je me rappelle une pièce où, dès mon entrée en scène, mon partenaire Germain Gésier devait me dire :
― Enfin, avons-nous gagné ?
Mais au moment où il le fit, un groupe de perturbateurs, des Cambronniens sans aucun doute, se mit à crier dans la salle à plusieurs reprises :
― Merde au nez !
Comme je savais que ma réplique était :
― Non, nous avons perdu !
Je fus prise d’un fou rire comme on n’en a pas deux dans sa vie. Incapable de proférer quoi que ce soit d’intelligible, je m’esclaffais, je me tordais, je me liquéfiais carrément sur la scène. Le public, gagné par mon rire, commença lui aussi à rire à gorge déployée, amplifiant le mien jusqu’à l’évanouissement.
Ce soir-là, je ne fus pas la seule à partir pour l’hôpital et plusieurs personnes firent sur elles.
Onc' Furonc'
Mon onc’ Furonc’ ce n’est pas des dents qu’il a, c’est une vraie bétonnière, dites donc. Il enfourne, il enfourne, et elle broie tout sa bétonnière.
D’ailleurs il est énorme. Gros comme un zeppelin, comme le Hindenburg, vous savez, celui qui a éclaté. Probablement que c’est ce qui va lui arriver aussi à l’oncle.
L’autre jour, il devait aller chez le dentiste alors je lui ai dit :
― Sois sur tes gardes, mon onc’, parce que le dentiste il ne fait pas dans les défenses d’éléphant.
Eh bien depuis il a une dent contre moi, dites donc.
Il n’y a qu’une seule chose qui soit en rapport avec ses dents, c’est son nez. Etc.
(Patouche, Mon onc’ Furonc’, Éditions du Glaire)
Patouche eut, en réalité, deux périodes et d’éminents critiques ont fait remarquer qu’il n’était guère facile d’aimer les spectacles de la « seconde Patouche ».
L’humour semble y céder le pas à la folie revancharde dans un univers faussement loufoque.
Sans doute perçoit-on, derrière son comique, les viols répétés que lui infligèrent ses trois frères aînés. Mais il y eut également ses interventions publiques et ses prises de position tranchées en faveur de l’ablation du pénis chez les délinquants sexuels.
Ses shows nous donnent le reflet d’un état mental symptomatique, comparable à certaines ivresses dans lesquelles les phantasmes et les mirages idéologiques changeraient sans cesse.
Le spectateur ne peut se réfugier que dans un mauvais rire.
Un rire qui constitue un rempart à sa crainte de voir, lui aussi, sa raison vaciller, si jamais il lui fallait acquiescer à ces traumatismes qu’un humour saugrenu ne vient jamais amoindrir.
Dans le sketch archi-connu des Moules, ci-dessous, Patouche a choisi de s’entourer de quelques collègues et amis, à l’occasion d’une grande rétrospective au Poil de Terre.
Le rôle de Troupoêle est tenu par Patouche elle-même, bien sûr, celui d’Onc’ Furonc’ par Max Alanus, Vampierre nous campe un Grommelain plus vrai que nature et l’extraordinaire participation de Philippe Sabotier nous donne un bon-papa éminemment sympathique.
Les Moules (extrait)
[…]
Onc’ Furonc’ :
― Qu’est-ce que tu croyais Troupoêle ? Que j’allais me laisser traîner dans la boue comme un sale petit goret ?
Troupoêle (matoise) :
― Non, non. Pas du tout mon onc’, bien au contraire, je savais pertinemment que tu allais remonter la pente comme un véritable para.
Onc’ Furonc’ :
― Un parapente, peut-être ? Haha (il pleure de rire).
Troupoêle :
― Oui, si tu veux, mais laisse-moi quand même te dire une bonne chose, mon onc’…
Onc’ Furonc’ :
― Ah ça oui, je préfère que tu me dises une bonne chose plutôt qu’une mauvaise.
Troupoêle :
― Eh bien c’est très simple, si tu arrives à me persuader que tu es vraiment de la famille, je te donnerais une véritable occasion de remonter la pente.
Onc’ Furonc’ :
― Et comment te le prouver, nièce imbécile ?
Troupoêle :
― Ah ben ça, mon onc’, je vais t’en donner l’occasion, crois-moi.
Troupoêle le persuade alors d’aller voir un certain Grommelain, pour tenter de lui racheter deux bidons à moules.
Acte II
Onc’ Furonc’ :
― Coucou, monsieur Grommelain.
Monsieur Grommelain (patelin) :
― Bonjour mon görs, comment ça va-t-y donc ?
Onc’ Furonc’ :
― Ça va tout crème, monsieur Grommelain ; je me demandais si vous aviez toujours vos vieux bidons à moules ?
Monsieur Grommelain :
― Pour sûr mon p’tit görs, jamais je ne m’en séparerai, tu le sais bien.
Onc’ Furonc’ :
― Même pour tout l’or du monde ?
Monsieur Grommelain :
― Héhé, tout l’or du monde ? Là, tu m’intéresses mon görs. Mais comment c’est-y qu’tu pourrais posséder tout l’or du monde, pas vrai ? Alors qu’t’es rien qu’une ordure de feignant du ruisseau ?
Onc’ Furonc’ frappe alors longuement monsieur Grommelain avec une pelle. Ce dernier chancelle et s’affale sur le sol, à moitié assommé.
Acte III
Onc’ Furonc’ :
― Ça y est, je lui ai parfaitement cassé la figure.
Troupoêle :
― Bravissimo mon onc’, et tu as réussi à récupérer les deux bidons, j’espère ?
Onc’ Furonc’ :
― Qu’est-ce que tu crois ? Bien sûr, petite vaurienne.
Troupoêle :
― Parfait, maintenant regarde bien cette pente, là-bas en face.
Onc’ Furonc’ :
― Oui ?
On retrouve ensuite Troupoêle occupée à cuisiner.
Acte IV
Bon-papa :
― Salut les aminches.
Troupoêle :
― Salut Bon-papa.
Bon-papa :
― Il paraît que l’autre soir il y a un jobastre qui a essayé la piste noire malgré l’interdiction ?
Troupoêle :
― Eh oui, il y en a toujours qui veulent braver les consignes, que veux-tu ?
Bon-papa :
― Que mange-t-on ce soir ?
Troupoêle :
― Hé bé, des moules.
Bon-papa :
― Oh, bonne mère, des moules en cette saison ? Là tu as fait très fort, ma Troupoêle.
(Les Meilleures de Patouche, Éditions du Lobe)
Elle est également très soubrette lorsqu’elle donne la réplique à Sabotier, dans un show spécial Noël en Angleterre, retransmis sur les trois chaînes de télévision.
― Fanny, de tout ce que le monde comporte de frotte-manches, de paillassons serviles et de serpillières humides, vous êtes, sans conteste, la plus obséquieuse.
― Oh, merci ! Merci my Lord. I do my best !
(Patouche, Christmas in Britain)
Georgie de Saint-Maur