Le clown Simplex – Charles Roulé (1945-2039)
Il se présentait volontiers lui-même comme « Simplex et sans complexes ».
On l’appelle aussi le « Pétomane des temps modernes ».
Brun et sublime, l’œil limpide, Simplex débuta son immense carrière de clown surréaliste au Java-Nougat, avec son singulier spectacle de la Grande gerbe.
Un numéro audacieux où il vomissait en plusieurs couleurs différentes et en variant à chaque fois le ton.
Le public, surpris, ne le suivit pas toujours dans cette innovation de mauvais goût et il lui arriva même d’être conspué ! Jusqu’à ce qu’il y ajoute cette géniale trouvaille qui consistait à psalmodier simultanément l’hymne national (et même quelques airs à la mode), à l’aide de ses gaz intestinaux.
La Grande gerbe lui apporta alors rapidement une renommée internationale. Tout le monde voulut voir ça.
Le plus dur, c’étaient les rappels, confiait Simplex.
Chacun de ces éléments pointe, plus ou moins discrètement vers la folie, comme en témoigne cette intelligente description qu’en fait Jules Cuit, témoin du spectacle.
L’imperméable transparent que porte Simplex est un vêtement bizarre, voire grotesque. Le genre de vêtement que l’on s’attend à voir porter par un exhibitionniste arrêté dans le métro. Les gestes sont saccadés et violents. Le visage autant ahuri qu’indigné. Un personnage est donc construit non seulement par son langage (un excentrique certainement, peut-être un fou ?), mais surtout par la voix qui est aussi importante. Une voix suraiguë, presque enfantine qui féminise le personnage.
Une caricature de ce qu’en anglais on appelle « a funny voice ».
Elle contraste fortement avec le feu d’artifice de vomi et de pets et surtout avec le ton qu’adopte Simplex à la fin de cette scène.
Bien entendu, tout cela ne suffisait pas à concurrencer La Tapette à cuisse et les fameux sketches des Alcooliques notoires des Frères Cube…
Leur formule fut rapidement copiée et l’équipe du Java-Nougat tenta de créer, elle aussi, des personnages aussi hilarants que l’étaient devenus Cubu et ses deux frères.
Simplex (notamment) s’y essaya, malheureusement sans parvenir à égaler ses maîtres :
Un mauvais exemple
Simplex :
― Qui veut prendre la parole ?
Madame Flocon :
― Moi !
Simplex :
― Madame Fiole ? Oui, nous vous écoutons.
Madame Flocon :
― Madame Flocon !
Simplex :
― Flocon ? Oh pardon, au temps pour moi.
Madame Flocon :
― Eh bien, demain nous recevons les Bourrique à la maison…
Simplex :
― Oui, et alors ?
Madame Flocon :
― Heu… Eh bien voilà, monsieur Bourrique ne boit pas.
Simplex :
― Aïe !
Madame Flocon :
― Vous comprenez, je… J’ai peur que les enfants ne voient ça et qu’ils…
Simplex :
― Vous avez raison, madame Flacon…
Madame Flocon :
― Flocon...
Simplex :
― Oui, madame Flocon, pardon, au temps pour moi. Vous avez raison, disais-je, car un tel exemple pourrait avoir une influence décisive sur leur comportement.
Madame Flocon :
― Oui, mais que faire ?
Simplex :
― Il faut absolument convaincre monsieur Barrique de venir ici, à nos séances… Nous entamerons avec lui une psychothérapie de groupe et nous lui ferons prendre conscience de ses erreurs.
Madame Flocon :
― Bourrique !
Simplex :
― Pardon ?
Madame Flocon :
― Il s’appelle Bourrique, pas Barrique !
Simplex :
― Ah oui ? Au temps pour moi…
(Simplex, tout simplement. Éditions de la Garrigue)
Simplex s’accommode, pour ainsi dire, à toutes les sauces, et s’adapte en fonction du public.
Ci-après, deux versions de la même blague ; une pour la France :
― Nous avons reçu de bien curieuses dépêches en provenance de la Tour Eiffel.
― Ah, bien, qu’est-ce que c’est ?
― C’est une gigantesque tour de fer, construite pour l’Exposition universelle de 1889.
L’autre pour le sud de la Belgique :
― Nous avons reçu de bien curieuses dépêches en provenance de l’Atomium.
― Ah, bien, qu’est-ce que c’est ?
― C’est un gigantesque atome de fer, construit pour l’Exposition universelle de 1958.
Georgie de Saint-Maur