Les Frères Cube (1974-2056)

 

Cubu, Cubo et Cubert, les trois Frères Cube, firent les beaux jours de la Tapette à cuisse avec leur humour délirant et décapant. Ils symbolisaient, à eux seuls, l’insouciance d’une certaine jeunesse, uniquement préoccupée par le rire et par sa violente répression.

Beaucoup leur ont reproché d’avoir finalement réutilisé les anciennes blagues ayant trait à la condamnation de l’ironie politique aux États-Unis, en les remplaçant tout simplement par l’humour franchouillard.

 

Dans une société en profonde mutation, les Frères Cube ont vu leur carrière, relayée par la technologie des ondes Wifi et des images GIF, décoller et gagner le monde entier.

Malgré ce succès sans précédent, ils restaient perçus comme un phénomène social de jeunes farfelus, accueillis par une multitude de fans hystériques, et non comme des clowns à part entière.
Encore moins comme des révolutionnaires.

 

En quelques années, par d’ahurissantes déclarations politico-culturelles, ils deviendront des personnages de première importance dans l’anti-culture. Ils y professeront une philosophie d’humour, de paix, d’exploration spirituelle et de changement social.

Si le glissement de leur image de groupe « dans l’air » à celle de porte-parole d’une future alternative leur attire les critiques de la presse conservatrice, ils s’imposent désormais comme le repère culturel de toute une génération.

Enfin des jeunes ! Et qui réussissent par leurs idées, par leur talent.

 

Les Frères Cube deviennent mythiques, tant ils incarnent les espoirs de l’adolescence qui se désenchantait.

Quand soudain, stupéfaction générale ! De sympathiques gugusses, les Frères Cube deviennent, sous la plume acérée des journalistes, trois frères ennemis ayant l’argent comme pomme de discorde.

L’éclatement des Cube en pleine gloire est interprété comme le signe que l’optimisme des années Hoho’s touche à sa fin.

Rapidement (et encore actuellement) oubliés, les Frères Cube s’enfoncent dans l’étrange purgatoire de l’histoire.

 

Bien sûr, il reste la carrière éblouissante de Cubert et celle, plus discrète, de Cubo. Mais en réalité, jamais la jeunesse occidentale ne pardonnera à ces trois jeunes gens de ne plus l’être.

Ni de leur avoir brutalement renvoyé leur propre image homérique de contestation dans un miroir mesquin.

 

Plus que tout, jamais on ne pardonnera à certains d’être morts (1).

 

Je ne résiste pas au plaisir de citer simplement la pièce culte « Elle avait un gros cube ».
Cubu y tient à nouveau, bien entendu, le rôle du célèbre capitaine Sproncques.

Ici, Doris Voom à Cubu :

― Vous partez, capitaine ?

― Oui, je vais dormir un peu.

― Mais je pourrais avoir besoin de vous.

― Eh bien, en cas de danger, réveillez-moi.

― Non, je veux dire que… Il se pourrait qu’au cours de la nuit…

― Je suis trop vieux pour suivre des cours pendant la nuit !

(Frères Cube, Pas ce soir chérie)

 

 

1 Alors qu’il entamait une carrière solo, Cubu est mort assassiné en décembre 2011.

 

 

Georgie de Saint-Maur