Swing Troubadour

Publié le

 

Les grosses têtes de l’OBNI avaient repris contact et m’avaient proposé un boulot. S’ils lorgnaient sur mon diplôme de linguistique appliquée au gavage des entités divines et sur mes connaissances en micro VHF et en convertisseur analogique, j’avais vite compris que ma fréquentation de la bande du Gulliver n’était pas pour rien dans leur intérêt pour ma personne. Mais j’étais dans la dèche et je ne pouvais me payer le luxe de choisir mes employeurs.

 

À leur demande, je passais de plus en plus de temps avec André Legoff. Tous les soirs il réinventait sa vie pour moi. J’avais réussi à obtenir de ne pas l’enregistrer. Pour le moment. Alors je notais de mémoire tout ce qu’il me disait. Mais l’OBNI ne lâchait pas le morceau. Le tartignolle avait besoin d’échantillonnages audio compressés, pas d’écrits pseudo-littéraires d’un biographe attitré. J’avais tenté de les rassurer :

― Vous savez, j’ai déjà un échantillon du parler d’André Legoff. Avec un bon logiciel de traduction isolecte, je peux vous numériser mes comptes rendus comme s’il les avait enregistrés lui-même sur un bon vieux Nagra.

C’est l’Ange-1 qui avait résumé la situation :

― On te paye alors tu fais ce qu’on te dit. Tu enregistres Legoff et t’arrêtes de nous casser les burnes avec ton volapük à la con.

 

Je ne savais pas trop comment m’en sortir. J’avais besoin de ce boulot mais d’enregistrer en douce le taxidermiste me répugnait. J’avais déjà fait le grand écart du temps où je militais dans le camp de la propriété intellectuelle. Cette époque était révolue, les soirées passées en compagnie de Da Silva et de sa bande m’avaient rendu tricard auprès des Ambassadeurs mais je me retrouvais à nouveau le cul entre deux chaises.

J’avais décidé de m’ouvrir de mes problèmes de conscience au docteur Schott :

« Sans doute ne supportez-vous pas votre humanité, m’avait-il répondu lors d’une de nos séances hebdomadaires, voyez-vous, mon petit, la complexité de nos adhésions est inhérente à notre identité humaine. »

 

Identité humaine, j’t’emmerde. Ce que je voulais, c’était la paix.

Et je m’en tapais de son volapük à la con.

 

 

Édouard.k.Dive