Quatrième tableau : Vacances

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Entre deux nuages perçait un soleil si mince encore.
Et cependant les yeux nous piquaient rien qu’à le regarder.

Dansant le long de la berge, je me sentais si heureuse.
Rien ne comptait plus que le temps des vacances qui se profilait joyeusement à l’horizon.
Cette année encore, nous allions partir en montagne.

Mon oncle André l’avait promis !

Ah, que de bonheur en perspective ! Je nous voyais déjà dévaler les pentes pierreuses du Mont Gaillard et j’imaginais René, ramassant de lourds troncs pour en faire du surréalisme. René était un de ces hommes pour qui la vie en forêt n’avait aucun secret. Dans mes souvenirs d’enfant, je le voyais pêcher le saumon à la main et bondir, tel un jeune cabri, de rocher en rocher.
Il n’avait pas son pareil pour dénicher le miel sauvage et ses grosses dents d’ivoire brillaient dans l’hilarité de sa bouche, lorsqu’il me voyait m’enfuir devant les abeilles furieuses, pendant qu’il dégustait goulûment de délicieuses coulées, en se riant des piqûres.
Bien souvent, dans l’ombre des pinèdes, je le pressais de questions sur ma vie future et sur ce monde des grands, où j’allais m’enfoncer. Toujours il souriait en tapotant ma joue, puis il murmurait à mon oreille de telles bêtises que je m’écroulais de rire sur le sol parsemé d’aiguilles brunes.


Notre oncle avait l’habitude de louer, près d’un affreux petit cimetière, une vieille cabane perchée au flanc de la montagne et qui se révélait être le cadre enchanteur de tous nos jeux d’enfants.
J’entendais résonner dans ma mémoire nos cris émerveillés.

Tristan qui, avait passé toute la journée vautré devant la fenêtre de l’atelier, cancana bruyamment en entendant le pas de René.


Le salon ressemblait à un hall de gare éclairé par quelques néons datant de l’avant-guerre. Une vilaine lumière verdâtre conférait à l’endroit un air sinistre ! Mon oncle, retranché dans la salle à manger, tremblait et sa figure était cireuse.

Il semblait fiévreux et tenait un discours incohérent.

Avait-il respiré trop de poudre ?

Progressivement la lumière grandissait et traçait tout autour des tentures un rai éblouissant.
 

Aucun doute, cette lumière malsaine provenait de la bibliothèque !

 

 

Georgie de Saint-Maur