Épisode 12 : L’absinthe et l’absence

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Axtone se rendit chez son loueur pour payer les mois de loyer en retard, maintenant que Roy l’avait renfloué pour son travail d’infiltré. Le salaire du risque avait été conséquent, mais le détective se jura qu’on ne l’y reprendrait plus. D’ailleurs, il valait mieux cesser de fréquenter ce caïd, s’il ne voulait pas un jour partager sa cellule. Axtone craignait par-dessus tout la prison, lui pourtant assez détaché voire désabusé.
Il apportait une bouteille de spiritueux haut de gamme pour remercier Mangin de sa patience tout à fait étonnante.
C’est sa femme qui ouvrit l’antre de la brute. Elle paraissait encore plus mal en point que la dernière fois : cassée en deux, bouche tordue et regard torve, elle s’agrippait à un déambulateur.
Son corps était en ruine, mais son esprit restait vif. Elle le fit entrer, accepta d’une main tremblante l’enveloppe du paiement en espèces des loyers, mais fronça les sourcils à la vue de la bouteille.
— Je croyais que l’absinthe était interdite.
— Plus depuis un paquet d’années.
— Mais c’est un poison qui rend fou ! Van Gogh ! Et… et tous ces autres malheureux…
Axtone lui expliqua que certaines absinthes de l’époque contenaient trop de méthanol, comme certains vins d’ailleurs. L’interdiction du début du siècle dernier avait été avant tout motivée par la lutte contre l’alcoolisme et sous la pression du lobby viticole qui n’aimait pas la concurrence. Il parla longtemps du sujet avec la verve de l’avocat de la défense qui tente d’éviter la peine capitale à son propre enfant.
Cette bouteille, il l’avait payée cher, c’était un cadeau royal. Et d’autre part, ça lui faisait plaisir de pouvoir pour une fois imiter son client Roy, afficher du luxe, se montrer généreux, consommer sans compter comme la société nous y incite.
— Vous semblez passionné d’alcool, l’interrompit-elle. (Il rougit.) Enfin, de ce type d’alcool. J’apprécie votre érudition. Allez ! Goûtons-la. C’est déconseillé avec mes médicaments et il est bien tôt. Mais j’ai besoin de sortir de la routine. Si mon mental s’améliore, qui sait, il guérira mon corps.

Ils s’installèrent tous deux sur le canapé du salon. Il fit le service, ramenant le rituel de préparation de l’absinthe à sa plus simple expression : juste un complément d’eau fraîche. Ils dégustèrent le breuvage en silence, tels deux esthètes méditatifs.
Madame Mangin parla de sa santé en déclin, de sa belle-sœur qui venait l’aider. Elle lui demanda de mettre un CD de musique, les Chants Magnétiques de Jean-Michel Jarre.
Ils prirent un second verre en silence, tels deux esthètes méditatifs et mélomanes.
À la fin du premier Chant Magnétique, qui dura un bon quart d’heure et un troisième verre pour Axtone, elle jeta à toute vitesse :
— Toute ma jeunesse. Il m’a fallu du temps pour me rendre compte du jeu de mots du titre de l’album. Mon mari a disparu.
Axtone hocha la tête. Il aurait dû s’en douter. Pas de relance. L’homme n’était pas bienveillant, mais empêché. Lui non plus n’était pas bienveillant. Il se souvenait des harcèlements, des coups échangés : l’alcool augmentait sa rancœur. Peut-être y avait-il encore trop de méthanol dans cette mixture hors de prix ?
Comme il gardait un silence peu compatissant, elle reprit :
— Six mois de loyer offerts si vous me le ramenez.
Ça représentait une belle somme, un sacré ballon d’oxygène. Il n’aurait plus besoin de travailler pour le périlleux Roy pendant un moment.
— Banco.
— Je dis bien ramener, pas seulement retrouver.
— Alors sept mois.
— Et rien s’il ne revient pas.
— Je ne peux pas me porter garant de ce qui a pu lui arriver.
— Huit.
— Banco.
Alexandre Mangin avait disparu subitement voici quelques semaines. La raison ? Il avait contracté des dettes de jeu auprès de personnes à la moralité douteuse. Ces gens-là ne plaisantent pas. Il craignait pour sa vie. Madame Mangin lui indiqua l’adresse du cercle de jeu clandestin au sein duquel son mari se livrait à son vice.
— Où peut-il se cacher à votre avis ?
Elle réfléchit un moment comme si elle ne s’était jamais posé la question.
— Je pense qu’il s’est réfugié chez sa mère. Seulement, elle a déménagé et je n’ai pas sa nouvelle adresse. Je demanderai à sa sœur, elle doit savoir. Ah ! Comme si je n’avais pas assez de mes problèmes de santé ! Le deuxième Chant Magnétique est mon préféré. Je danserais dessus si je pouvais.
Sa façon de sauter du coq à l’âne déconcertait quelque peu Axtone. Peut-être que l’esprit était atteint, finalement…

Il prit congé après un dernier Chant Magnétique, un dernier verre et une dernière transition abrupte de madame Mangin : « Il me manque. Mon infirmière va arriver. »
Le détective réfléchissait tout en pédalant.
C’était chez ses parents que le chargé de recouvrement le chercherait en premier. En cavale, on doit s’isoler. Le comportement de Mangin n’était pas malin mais humain. Humain, un terme aux significations si nombreuses qu’il n’en avait plus vraiment pour Axtone.
Il commença par se rendre au cercle de jeu. Il s’attendait à un tripot en sous-sol. C’était un appartement cossu en étage dans les beaux quartiers. On lui indiqua les horaires d’ouverture via l’interphone. Il devrait revenir le soir.
Ses coups de pédales le portèrent vers la demeure de son amour perdu. On était samedi matin, elle allait sortir faire ses courses. Il attacha son vélo à un poteau et se posta à distance de l’entrée de l’immeuble.
La voilà ! Avec son mari, main dans la main. Formation ou déformation professionnelle, il décida de les suivre. Il se tint à bonne distance, le mari le connaissait à cause des photos du confrère pas fraternel du tout. Il était trop loin pour distinguer les mots, mais le ton et la posture étaient ceux de l’amour. Ils s’étaient réconciliés sur son dos. L’épreuve les avait rapprochés.
Rationnellement, il était bien obligé de reconnaître que cette femme n’avait rien d’extraordinaire, ni le physique ni l’esprit ni la richesse, comme la plupart des gens. Alors tirons un trait, et qu’une autre paraisse. Seulement il existe un autre paramètre, le courant qui passe entre deux êtres. Il l’aimait encore plus que la satisfaction de retrouver une personne disparue, plus que de dézinguer trois cannettes d’affilée au lance-pierres, plus que de terrasser un mâle dominant, plus même que la joie et la détente que lui procurait le pastis.
Elle voulait un mâle dominant, un homme fort. Comment l’en blâmer ? Si seulement il arrivait à la blâmer, il serait tiré d’affaire.
Conclusion : il devait redorer son blason pour la reconquérir. Il fallait aussi surveiller comment évoluaient ses relations de couple. À cet effet, il avait une taupe de première, le jeune voisin repenti.

Le soir, il se pointa au cercle de jeu clandestin. L’immeuble de cinq étages présentait bien : pierre de taille, balcons, mansardes, toiture en ardoise, porte cochère et ornements sculptés au niveau du premier étage surélevé. L’intérieur aussi en jetait, notamment la hauteur de plafond. Il négligea l’antique ascenseur pour monter les trois étages à pied. Ses pas ne faisaient aucun bruit sur le tapis rouge. Les marches en bois sentaient bon la cire. Comme à son habitude, il s’imprégnait de l’atmosphère de l’immeuble. Au troisième, il prit le temps de reprendre son souffle. Aucun son ne lui parvenait des appartements magnifiquement insonorisés.
Il sonna à une porte blindée étiquetée « Jacobi ». Il s’attendait à un hôte d’accueil jeune, de type malabar à l’air suspicieux ; un vieux gringalet tout sourire lui ouvrit. Très aimable en apparence, il se révéla en fait plus cerbère que pépère. Il fallait être parrainé pour entrer dans ce temple occulte. Mangin ? (Une grimace d’effort de mémoire remplaça le sourire.) Rectification, il fallait être parrainé par un VIP.
— Le capitaine Fritz ? s’enquit Axtone.
Il est courant que la police et la justice fréquentent les cercles de jeu clandestin, pour s’encanailler ou bien pour surveiller la pègre.
— Nous n’avons pas l’honneur de compter ce Monsieur parmi nos membres.
— Et Roy Rosso ? soupira Axtone à bout d’arguments. Est-il assez VIP ?
— Vous connaissez Monsieur Rosso ? Qu’il m’appelle et vous serez des nôtres, assurément.
Le détective hésitait. Il faut renvoyer l’ascenseur un jour ou l’autre avec ces gens-là. Et lui qui s’était juré de ne plus le fréquenter… D’un autre côté, la carotte était appétissante : huit mois de loyer. Quand la bise viendrait, la cigale serait au chaud. Sans compter cette pauvre madame Mangin qui allait peut-être mourir seule comme un chien. Non, pire, parce qu’on euthanasie les chiens moribonds.
Il appela donc Roy, lui expliqua succinctement la situation et passa son mobile au cerbère. Celui-ci sourit de plus belle avant de le laisser enfin pénétrer dans le Saint des Saints. L’entrée était aussi grande que son deux-pièces, et beaucoup plus propre. Le vieux le dirigea vers une salle qui faisait office de bureau. Il prit un air concentré pour lui expliquer les modalités. Il y avait poker et roulette. La mise minimale équivalait au prix de plusieurs bouteilles d’absinthe en or massif (la bouteille, pas l’absinthe). Il était demandé un chèque en blanc de caution : personne ne doutait de la solvabilité de Monsieur, toutefois… 

Axtone l’interrompit :
— En fait, je suis un ami d’Alexandre Mangin. Il a des dettes chez vous. J’aimerais arranger les choses, mettre de l’huile dans les rouages insolvables.
Le vieux tâta la poche de sa chemise, en sortit une paire de lunettes et s’assit à un bureau de ministre, d’époque impériale restaurée monarchiquement. Il se contorsionna pour extirper de la poche de son pantalon de costume une petite clé qui déverrouilla un grand tiroir dont il sortit un classeur à la couverture en cuir véritable. Il ne souriait plus maintenant ; finies les frivolités relationnelles, on était passé aux choses sérieuses. Tel un joueur de poker jetant un coup d’œil à ses cartes avant de les remettre sur la table, des fois qu’un indiscret tente d’en prendre frauduleusement connaissance, le vieux portier administratif referma presque aussitôt le grimoire rempli de chiffres et le remit en lieu sûr.
— Monsieur Mangin possède un compte légèrement débiteur, mais rien d’alarmant. Au fait, nous ne l’avons pas vu depuis plusieurs semaines. Cela est surprenant parce qu’il était notre membre le plus assidu.
— Pensez-vous qu’il aurait pu jouer dans un autre établissement ?
— À l’époque, impossible matériellement. Il était présent chez nous sept jours sur sept, jusqu’à la fermeture au petit matin.
Ainsi son loueur dormait très peu. Il n’en paraissait rien physiquement. Par contre, cela pouvait expliquer son irascibilité et sa violence.
Il n’avait pas joué ailleurs. La thèse de sa femme ne tenait pas la route : il ne s’était pas sauvé pour dettes. Et s’il s’était disputé avec un autre joueur à la moralité en berne ? S’il s’était fait un ennemi dans ce milieu noctambule louche ?
— Qu’est-il devenu ? interrogea Axtone.
— J’espérais que vous répondriez à cette question, puisque vous affirmez représenter ses intérêts.
— Il est l’ami de Roy, s’aventura le détective. Roy n’aimerait pas qu’il lui soit arrivé quelque chose.
— Je ne saisis pas bien…, riposta le vieux en reprenant son sourire. Représentez-vous Monsieur Mangin ou Monsieur Rosso ? Et vous êtes Monsieur…?
Ça faisait trop de « Monsieur ». Axtone partit sans ajouter un mot, et surtout pas son patronyme.
Il alla voir Madame Marie et son bar à hôtesses. Il adorait joindre l’utile à l’agréable.

Le lendemain matin, il retourna voir la femme de son loueur évanescent avec cette fois une bouteille de champagne qui donna à la malheureuse une fausse joie :
— Oh, vous l’avez retrouvé ?
— Pas encore, j’avance à petits pas.
— Encore de l’alcool ? Mes médicaments…
— L’alcool est plus convivial que les fleurs. La vie est courte, même si on s’y ennuie beaucoup. Alors profitons-en.
— Oui, je vous sens profiteur, au bon sens du terme.
— Y en a-t-il un mauvais ? L’humain est une race égoïste. Profiter est dans ses gènes.
— Vous parlez avec cynisme. Je sens une grande souffrance morale en vous. Soyons positifs. J’ai confiance en vous malgré… J’ai confiance en vous.
Il fit le service dans des flûtes en cristal puis demanda :
— Avez-vous obtenu la nouvelle adresse de la mère de votre mari ?
— J’ai demandé à ma belle-sœur, elle va me la fournir.
— Elle ne la connaît pas de tête, comme c’est curieux… Et son ancienne adresse ?
— Ça, j’ai ! Quand vous le retrouverez, dites-lui que… Oh ! Débrouillez-vous ! Et un bon conseil, ne prenez jamais de Terzac. Ça donne un mal de tête carabiné ! Mon toubib est un incapable.
— Soyons positifs. Il n’est qu’un humain.
Il lui montra la photo de sa fille disparue. Elle ne fit même pas l’effort de la regarder, centrée sur sa maladie et la disparition de son conjoint. Il eut envie de la gifler. C’est le champagne qui trinqua.

Une fois son cadeau égoïste asséché, il se rendit à l’ancienne adresse de la mère de Mangin. C’était une maison de ville sans jardin, à un étage. La boite aux lettres affichait « Mangin ». Une dame âgée en sortit avec un caddie à provisions. Son faciès et sa corpulence présentaient un air de famille avec le rouquin brutal. Comme le détective s’y attendait, la mère de Mangin n’avait pas déménagé. Restait à savoir si le fils s’y était réfugié.
Aucune activité aux fenêtres. Axtone décida de ne pas pénétrer dans la maison par effraction en l’absence de son occupante principale. À cause du champagne, l’illégalité du procédé ne l’arrêtait pas, mais il devait s’avouer qu’il avait peur de se retrouver nez à nez avec l’orang-outang dans son repaire. Mangin était bien capable de le dérouiller sauvagement. En outre, effraction plus violence, ça chargerait la barque qu’il s’épuisait chaque jour à écoper. Il opta donc pour un repli stratégique afin de s’approvisionner en matériel et de refaire le plein d’énergie liquide.
L’après-midi, vêtu d’une veste bleue et d’une casquette assortie, il sonna à la porte du camp retranché. Madame Mangin mère lui ouvrit. De près, l’air de famille était frappant, agressivité en moins, douceur féminine en plus.
— Madame Mangin ?
— C’est moi.
— J’ai un télégramme pour votre fils Alexandre Mangin.
Il agita une enveloppe cachetée sous son nez.
— C’est que… Il n’est pas…
— C’est de la part de sa femme. Très urgent.
— Donnez-le-moi alors.
— Il doit signer. Très urgent. Les rares fois où les gens envoient des télégrammes de nos jours, c’est que c’est très grave.
— Alexandre ! Un télégramme pour toi ! cria-t-elle en se retournant.
— Maman ! Le télégramme n’existe plus ! gronda en retour une voix sinistrement familière.
La silhouette massive du grand singe apparut derrière sa mère.
— Comment allez-vous, Monsieur Mangin ? minauda Axtone d’un ton huileux. Faut qu’on cause.
— Latuile ! Foutez-moi le camp !
— Mon fils a besoin de se ressourcer, renchérit sa génitrice. Il fait une cure de sommeil chez moi.
— Alors tant pis, se résigna Axtone d’un ton triste. Je vais devoir faire mon rapport à votre femme. Lui parler de Madame Marie…
— Qui est-ce ? demanda la mère.
— Oh, une relation professionnelle. Réflexion faite, puisque M’sieur Latuile s’est déplacé, j’vais le recevoir. Allons dans ma chambre.
— Surtout, ne t’énerve pas, mon petit, lui recommanda celle qui l’avait fait.

Le « petit » précéda Axtone à l’intérieur du nid familial : couloir, escalier, couloir et petite chambre mansardée. Les rideaux étaient tirés. Mangin alluma. Ce n’est qu’à ce moment qu’Axtone réalisa qu’il était en pyjama. Son loueur ferma la porte et se tint face à lui, tout près à cause de la petite taille de la pièce, penché en avant en raison du toit mansardé : sa chambre d’enfant n’était manifestement plus à sa taille. Axtone oscillait entre la pulsion de fuite et le besoin d’abattre la menace à grands coups de poing, de matraque, de meuble. Il opta pour le statu quo.
Le rouquin colossal chuchotait pour que sa mère n’entende pas. Sa rage était telle qu’il parvenait à murmurer des cris.
— C’est ma femme qui vous envoie ?
— Hier matin, elle m’a mandaté pour vous retrouver.
— Comment m’avez-vous retrouvé si vite ?
— Il m’est rapidement apparu que la raison que vous lui aviez donnée pour votre départ précipité, les dettes de jeu, ne tenait pas la route. J’ai aussi trouvé louche que votre sœur ne connaisse pas de mémoire la nouvelle adresse de sa mère. Vous avez raconté un bobard à votre moitié pour qu’elle ne vous cherche pas chez maman.
— Et Madame Marie ? Pourquoi y êtes-vous allé ?
— Pour la même raison que vous, l’agréable. J’ai aussi estimé utile d’avoir un moyen de pression face à votre caractère un peu vif…
— J’avais besoin d’un break. Elle m’aurait fait tout un foin si j’étais parti en vacances sans elle. Ma sœur me remplace pour les soins.
— Vous aviez besoin de faire une cure de désintoxication. Une addiction au jeu comme la vôtre devait être pesante, j’imagine.
— Ça me volait mon sommeil.
— La santé de votre femme s’est détériorée depuis votre départ, tenta Axtone. Il faut rentrer à présent.
— Je sais bien. Je dois aller collecter les loyers des mauvais payeurs comme vous. Laissez-moi encore une semaine. Dites-lui que j’arrive.
Axtone hésita à négocier un mois de loyer supplémentaire. Non, pas une bonne idée : quand Mangin saurait que sa femme en avait lâché huit, ça risquait de chauffer. Les absents ont toujours tort.
— D’accord.
— Ah, quand même ! Non seulement vous payez pas souvent votre loyer, mais en plus vous travaillez contre moi. Vous êtes une plaie, Latuile ! Une plaie à mon flanc !


Lordius