Position 14

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Dans les épisodes précédents :
Psychœ et Crevert semblent beaucoup s’apprécier.
Les « supprequins », ces fusils qui permettent de supprimer des personnages, ne se cachent plus.


Port de Voiles-sur-Mer...

Psychœ se rhabilla tranquillement en cherchant sa pipe.

Je commence à en avoir marre de cette baraque, grinça-t-elle. Il n’y a même pas de tabac pour ma bouffarde.

Il y a un bureau en bas.

Oui, je sais, j’y vais. Mais ça me scie le dos.

Prends ton temps surtout, on en a pour dix ans.

Dans le même espace-temps, le Révérend laissait son regard courir comme un dératé sur la marée basse de Voiles-sur-Mer.

Il était secrètement arrivé à destination, avait pris possession d’une cellule à bon marché, d’un chapeau jaune en toile cirée et avait décidé d’aller se promener comme un idiot.

Son stupide couvre-chef amusait à grand-peine les marchands de Maisons et d’Hôtels qui s’alignaient le long de la digue. Mais tout ce petit monde puait la moule et le bigorneau.

La Gare du Port n’avait pas bougé depuis le coup précédent et son café-brasserie non plus. Psychœ s’y installa pour attendre son patron en feignant de repriser des oreilles à chaussettes.

Lui s’assit à une table différente de la sienne, enfila une chaussette sur son poing et l’approcha de sa bouche.

Allô, allô, vous m’entendez ?

Oui, chuchota Psychœ, et il n’y a pas que moi. Parlez moins fort si vous ne voulez pas qu’on nous remarque.

Qu’est-ce que vous buvez pour moi ? murmura-t-il de façon presque inaudible.

Je veux bien un vin rouge sur glace.

Le garçon de café automatique, plateau à la main, apporta la commande.

Qu’est-ce que c’est que ce jaja ? pensa Psychœ, on dirait de l’extrait de croupon.

La fréquentation du nain jaune lui avait donné de sacrés goûts de luxe.

Bonne idée ce vin, la félicita le Révérend. Alors, vous l’avez vampé ?

Il a bien fallu.

Et il ne se doute de rien ?

Non, mentit-elle, tout baigne !

Parfait, dit le Révérend en se frottant les mains comme on frotte une allumette suédoise.

Parfait : si on veut, répondit Psychœ, je n’aime pas lui mentir. Il me fait de l’effet ce gars-là.

Vous voulez dire qu’il vous tient par l’essence ?

Oui, c’est un peu l’esprit, dit-elle, l’idée générale.

Un pygmée pareil ? Vous vous foutez de moi ?

On ne choisit pas toujours, s’émut Psychœ en relisant les manœuvres précédentes. Non, franchement il a quelque chose.

Vous devriez prendre un peu de repos.

Ce n’est pas dans mon contrat.

C’est vrai, admit le Révérend. Votre contrat vous impose toutefois de pouvoir en rire.

Je n’en ai pas envie.

Il faut pouvoir rire, même quand on n’en a pas la moindre envie. Il faut serrer les dents, réchauffer ses yeux et choisir le bon pied sur lequel on va repartir.

Psychœ fit la moue.

Il faut rire, rire, rire… additionna comme un forcené le Révérend, même si ça nous plonge dans un état proche de la mort !

La fraîcheur de la mer survolait les maisons. L’iode contaminait toutes les ambiances de Voiles-sur-Mer. L’inspectrice relâcha les muscles de son dos en s’appuyant avec délice sur le dossier de sa chaise.

Bon, dit son chef, ben alors, reparlons de votre mission.

Oui, s’intéressa Psychœ, vous comptez prohiber l’antitexte ?

À quoi bon ? Il n’y a aucune raison d’interdire un livre que personne ne voudra lire.

Le Révérend avait une haleine de chien. Son chapeau de pêcheur de crevettes d’un autre âge lui donnait l’apparence d’une oie stupide. Psychœ avait beaucoup de mal à réprimer son dégoût.

À présent, retournez-y ! ordonna-t-il. Parce que le train va repartir.

Repartir ? Mais on nous a annoncé dix ans d’arrêt.

Oui, je sais. Mais ça vient d’être modifié. Quant à moi, je tire ma révérence.

Bien, mon Révérend.

Ah oui, à propos, j’ai fait tomber deux bâtons pour vos faux frais sur votre compte. Alors profitez-en pour faire quelques emplettes.

Quel genre d’emplettes ?

Commencez par des fringues. Le gris vomitif et le noir croque-mort, c’est bon pour les zombies bossus et leurs sbires. Quand on travaille pour les assurances Comptex, il faut montrer qu’on en a.

N’empêche, plus j’y réfléchis plus tout ça me défrise.

Le Révérend boucha les oreilles de sa chaussette.

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L
Comme je l'ai dit dans un commentaire précédent, bien que le volet "Estime et jugulaire" (Métapoly 2) soit un excellent livre, je vais surtout me concentrer sur l'autopsie/anatomie du 3ème volet.<br /> Lors d'une première lecture, "©L'Homme au masque de verre" se présentera avant tout comme le récit médico-légal d'une catastrophe ferroviaire : celle qui a détruit le train 2057. <br /> Une deuxième lecture fera ressortir, derrière ce drame, une splendide histoire qui cherche à s'offrir, un peu à la manière d'une réponse philosophique.<br /> Le désastre devient alors, plus simplement, le décor hallucinant d'une réflexion (intelligente ?) sur la place des individus dans une société qui s'avance aveuglément vers un avenir dangereux.<br /> Fidèle à lui-même, de Saint-Maur ne cherche pas à désespérer ses lecteurs. Il propose, avec un mouvement de papillon, une parabole qui en contient une autre (à la manière des poupées russes).
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G
Chère voix massive, je n'en reviens pas.<br /> Des points d’interrogation poussent sur ma tête.
L
Révérend. remontez votre chapeau et ouvrez bien vos oreilles.<br /> Révérend, je ne suis pas là pour porter des jugements de valeur, nous sommes d’accord sur ce point. <br /> Simplement je dis que vous êtes tout petit. Tout petit et ridicule. <br /> Et votre chapeau de pêcheur de crevettes n’y changera rien, bien au contraire. <br /> Mais enfin, Révérend : porter un couvre-chef tombant sur les yeux et les oreilles, pour annoncer aux héros que le train 1069 redémarre (alors que vous n'êtes pas censé le savoir), vous êtes fou !?
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G
Chère voix jactée, « les Prestres à la procession portoient un chapeau desur la teste »<br /> Les magiciens aussi utilisent un chapeau pour en faire surgir un lapin..