Valérie Solanas : « Souvenez-vous que je suis la seule femme ici qui ne soit pas folle »


Parce que « La faculté des rêves », sous-titrée « Annexe à la théorie sexuelle », de Sara Stridsberg et traduit du suédois par Jean-Baptiste Coursaud (Stock, La Cosmopolite), roman basé sur le personnage de Valérie Solanas, est un livre qui vaut plus que le détour, je vous propose un petit dossier traitant à la fois du roman, du personnage de Solanas et proposant des prolongements vers d’autres œuvres. 

Le roman de Sara Stridsberg 

Cette romancière suédoise née en 1972 propose une « fantaisie littéraire » autour de Valérie Solanas. Dans son exploration du « dossier Valérie Solanas », Stridsberg est bien loin de la bio traditionnelle à l'américaine ou même de la bio romancée. Pourtant, ayant traduit en suédois le SCUM Manifesto, elle aurait pu se contenter de faire soit une bio soit un commentaire de texte. Au contraire, elle a fait le choix de la littérature et pris le parti de la composition en fragments, sans respect de la chronologie ou d’un narrateur unique. On navigue ainsi entre la gamine violée par son père dans les années 40, l’adolescente dévoreuse de livres, rêvant d’une machine à écrire et entretenant une relation de sœur avec sa mère aussi paumée qu’elle, l’étudiante en psycho sur le campus de l’Université du Maryland à la fin des années 50 où elle tombe amoureuse d’une fille et essaie de faire se reproduire des souris femelles, l’écrivain/camée/prostituée qui écrit SCUM Manifesto puis Up your ass (soit « Dans ton cul ») et qui se définit comme « la première pute intellectuelle d’Amérique », la folle enfermée en H.P. suite au procès pour avoir tirer sur Warhol qui aurait pu y rester, enfin la marginale quinquagénaire qui meurt seule dans un hôtel social sordide, le Bristol Hotel, à San Francisco en 1988.  
On ne sait qui de Solanas ou de Stridsberg a le plus besoin de l'autre (« la narratrice » constitue un personnage à part entière qui dialogue avec Solanas) mais en tout cas, ça donne un grand roman-puzzle, politique et poétique, sordide et lumineux. Les nombreux dialogues imaginés par l’auteur rendent le livre extrêmement vivant et redonnent vie à cette femme intransigeante, utopiste et cabossée. Je vous garantis que sa gabardine en lamé argent vous hantera longtemps. Hormis Valérie Solanas, ce roman recèle d’autres portraits de femmes pas comme les autres : Dorothy, la mère de Valérie, une sorte de Marilyn cheap, femme-enfant irresponsable et victime consentante des hommes mais aussi Cosmogirl, étudiante qui préfère payer sa scolarité en couchant avec le directeur du labo et ses amis plutôt qu’accepter une bourse de l’Etat qui a condamné sa mère à la chaise électrique (pour un crime qu’elle sait qu’elle a commis) et qui se suicide dans le labo en s’injectant le même produit qu’aux souris sur lesquelles elle faisait des expériences… C’est aussi un portrait (il est vrai à charge) de l’Amérique blanche, bourgeoise et phallocrate des années 50, 60, 70 et 80.  

Extraits « La faculté des rêves. Annexe à la théorie sexuelle », Sara Stridsberg : 
« La narratrice : Qu’est-ce que c’est comme matériau ?
Valérie : De la neige, du désespoir noir.
La narratrice : Où ?
Valérie : Dans cet hôtel merdeux. Le terminus pour les putes et les tox en train de clamser. La toute dernière humiliation. Ultime, monumentale.
La narratrice : Qui est désespéré ?
Valérie : Moi. Valérie. J’ai toujours du rouge à lèvres sur moi, rose.
La narratrice : Rose ? Valérie : Rose. Rosa Luxembourg. La panthère rose. Le rose était la couleur de ses roses préférées. Quelqu’un passe à vélo et ce quelqu’un met le feu à une roseraie. » (p.15) 
« En fond sonore les cris désespérés des animaux du désert. Le soleil brûle sur le Géorgie, sur la maison du désert sans tableaux, sans livres, sans argent, sans projet d’avenir. Un ciel rose Ventor, rose boursouflé, force le barrage de la fenêtre et tout dès lors se retrouve à nouveau empaqueté dans ce tapis humide et caniculaire de bonheur. Dorothy vient de sortir un sac de voyage rempli de vieilles robes brûlées, vous êtes certainement en route aujourd’hui encore pour rejoindre la mer, rejoindre Alligator Reef et ses ciels d’éternité, rien que toi et elle. »  (p.21)

Quelques propos tenus par Sara Stridsberg dans une interview parue en septembre dans  Transfuge, le magazine français qui lui a accordé le plus de place : 
« Lorsque j’ai lu le manifeste SCUM, j’ai compris les arguments de son combat féministe. Mais je ne l’ai pas lu comme un ouvrage politique. Son style et son sens de l’humour m’ont fait tout de suite penser à Jonathan Swift. Je l’ai abordé comme une satire littéraire. Valérie Solanas n’est pas plus politique qu’un autre écrivain, son manifeste est une œuvre d’art. » 
« Son principe de déconstruction n’épargnait rien, elle ne pouvait trouver sa place nulle part, ni auprès des féministes, ni auprès des artistes de la Factory. Même parmi les marginaux, elle était marginale. » 
« Croyez-vous à l’écriture de femme ? 
― Non ! Je sais qu’ici, en France, vous êtes très influencé par Hélène Cixous et son concept d’« écriture féminine » mais je ne partage pas cette idée de la littérature. La seule écriture qui m’intéresse c’est celle qui joue avec la possibilité de la vérité. »  

Question : Mais qui est Valérie Solanas ?
Réponse : « La première pute intellectuelle d’Amérique » 

Pour l’état civil, Valérie Jean Solanas est née le 9 avril 1936 à Ventnor City aux Etats-Unis et est décédée le 26 avril 1988 à San Francisco. Entre les deux, peu d’activités légales et rémunérées déclarées. Bref, une marginale.
Pour les services de police et autres instances de contrôle social et de répression étatique, elle était une pute toxico, une barge ayant fait des séjours en hôpital psychiatrique, une taularde incarcérée pendant deux ans dans une prison pour femme.

Pour la légende, elle restera une intellectuelle féministe américaine, connue pour son pamphlet SCUM Manifesto, qui s'illustra également en essayant de tuer l'artiste américain Andy Warhol... 
Pour moi, elle est la sœur imaginaire de Marilyn, moins sexy mais plus finaude et qui aurait essayer de ne pas faire les mêmes conneries que sa sœurette. Celle qui aurait pu être Nico à la place de Nico dans le Velvet, si elle avait été un peu plus jolie et beaucoup plus soumise. Mais quand on voit comment a fini la pauvre Nico, on se dit que finalement il valait mieux que Valérie Solanas soit Valérie Solanas. 
Si vous voulez en savoir plus, il existe un film sorti en 1996, I Shot Andy Warhol, basé sur sa vie, avec Lili Taylor (l’inoubliable névrosée suicidaire aux tortues d’« Arizona dream » de Kusturica) dans le rôle de Solanas et Jared Harris dans celui de Warhol. 

SCUM Manifesto : Kézako ? 

Ecrit en 1967 dans un contexte de renouveau du féminisme radical aux U.S.A., Valérie a d’abord imprimé son SCUM Manifesto elle-même puis il a été publié aux USA par Maurice Girodias d’Olympia Press (éditeur de Nabokov, Miller, Sade) en 68 et en France en 71 (cette édition est désormais introuvable et la version qu’on trouve chez Mille et Une nuits est précédée d’une préface de Houellebecq).
SCUM serait l'acronyme de Society for Cutting Up Men (« Association pour émasculer les hommes »), mais la signification de l'acronyme ne figure pas dans le texte même. Certains prétendent même que Solanas n'a jamais voulu donner à SCUM d'autre sens que celui du mot scum (crasse, excrément, racaille, ou salaud en anglais). La signification de cut up est elle-même discutée, certains le prenant au sens littéral de mettre en morceaux, et d'autres en extrapolant le sens à émasculer

Comment lire le SCUM Manifesto ? 

Libre au lecteur. Mais il me semble que si elle avance des arguments très intéressants et assez révolutionnaires (l’envie du vagin des hommes remplacerait l’envie du pénis des femmes, ce qui, mine de rien, n’est ni plus ni moins qu’un retournement d’un des principes fondamentaux de la théorie freudienne), l’ensemble est quand même à prendre au second degré. Attention, pour autant voir dans ce Manifeste une simple blague potache ou pire le délire d’une folle serait une grave erreur : le SCUM Manifesto est avant tout l’œuvre d’un écrivain en devenir qui malheureusement n’a pu éclore totalement (dans une veine à la Chloé Delaume en plus célinienne, creusant en même temps le sillon de son histoire personnelle et un style original qu’on reconnaît à la première phrase). Féministe radicale, Valérie Solanas ? Il me semble à y regarder de plus près qu’elle est surtout viscéralement anarchiste (contre le travail, la consommation, les valeurs bourgeoises) et que l’aspect ludique du manifeste n’est pas à négliger (le terme « rigolade » revient souvent). En tout cas, le SCUM Manifesto se voulait un coup de pied dans la fourmilière d’une Amérique phallocrate, bourgeoise et politiquement correct jusqu’à l’écœurement  et le lire aujourd’hui, en France, en 2010, fait encore du bien… 

Quelques extraits du SCUM Manifesto : 
« Ce qui pourra libérer les femmes de l'emprise masculine, ce sera donc la destruction totale du système fondé sur l'argent et le travail et non l'égalité économique à l'intérieur du système. » 
« Le petit garçon qui chie dans son froc devant son père, autrement dit le « respecte », se soumet et devient un vrai petit Papa, ce modèle de Virilité, ce rêve américain : le lourd crétin qu'est l'hétérosexuel bon teint. » 
« Les hommes sont des Midas d'un genre spécial : tout ce qu'ils touchent se change en merde. » 
« En fait, la fonction de la femme est d'explorer, découvrir, inventer, résoudre des problèmes, dire des joyeusetés, faire de la musique ― le tout, avec amour. En d'autres termes de créer un monde magique. La fonction de l'homme est de produire du sperme. Les hommes ne peuvent pas coopérer à la réalisation d'un but commun, car le seul but de chaque homme est d'avoir tout le con pour lui. La communauté est donc vouée à l'échec : chaque hippie, pris de panique, va empoigner la première jobarde qui en pince pour lui et filer avec elle dans un pavillon de banlieue. L'homme ne peut progresser socialement, il ne peut qu'aller et venir entre l'isolement et la partie de cul associée. » 
« L'homme le plus conséquent avec lui-même est le travesti. » 
« Entraînée comme elle l'est depuis l'enfance à la gentillesse, la politesse et la « dignité », à entrer dans le jeu des hommes lorsqu'ils cherchent à camoufler leur réalité bestiale, elle leur fait la fleur de réduire sa conversation à des propos mielleux et insipides, évitant tout sujet profond ou bien, s'il s'agit d'une fille « cultivée », elle a une discussion « intellectuelle », c'est-à-dire qu'elle discourt de façon impersonnelle sur des abstractions oiseuses telles que le Produit National Brut, le Sionisme, l'influence de Rimbaud sur la peinture symboliste. Elle est si bien versée dans l'art de lécher le cul des hommes que cela devient bientôt une seconde nature et qu'elle continue à jouer leur jeu même lorsqu'elle se trouve seulement avec des femmes. L'« artiste » au masculin, c'est une contradiction dans les termes. » 
« Le sexe est le refuge des pauvres d'esprit. » 
« Les SCUM sont des filles à l'aise, plutôt cérébrales et tout près d'être asexuées. Débarrassées des convenances, de la gentillesse, de la discrétion, de l'opinion publique, de la « morale », du «respect » des trous-du-cul, toujours surchauffées, pétant le feu, sales et abjectes, les SCUM déferlent… Elles ont tout vu ― tout le machin, baise et compagnie, suce-bite et suce-con ―, elles ont été à voile et à vapeur, elles ont fait tous les ports et se sont fait tous les porcs… Il faut avoir pas mal baisé pour devenir anti-baise, et les SCUM sont passées par tout ça, maintenant elles veulent du nouveau ; elles veulent sortir de la fange, bouger, décoller, sombrer dans les hauteurs. » 
« Si les hommes étaient raisonnables, ils chercheraient à se changer carrément en femmes, mèneraient des recherches biologiques intensives qui permettraient, au moyen d'opérations sur le cerveau et le système nerveux, de transformer les hommes en femmes, corps et esprit. » 
« Si toutes les femmes laissaient tomber les hommes, tout simplement, le gouvernement et l'économie nationale s'effondreraient. Dans une société saine, l'homme trottinerait docilement derrière la femme. L'homme est un être obéissant, il se plie facilement au joug de toute femme qui veut bien essayer de le dominer. Les hommes, en fait, désirent désespérément se soumettre aux femmes, être sous la conduite de leur Mamma et s'abandonner à ses soins. » 
« Le conflit ne se situe donc pas entre les hommes et les femmes, mais entre les SCUM ― les femmes dominatrices, à l'aise, sûres d'elles, méchantes, violentes, égoïstes, indépendantes, fières, aventureuses, sans gêne, arrogantes, qui se considèrent aptes à gouverner l'univers, qui ont bourlingué jusqu'aux limites de cette société et sont prêtes à se déchaîner bien au-delà, et les Filles à son Papa, gentilles, passives, consentantes, « cultivées », subjuguées, dépendantes, apeurées, ternes, angoissées, avides d'approbation, déconcertées par l'inconnu, qui préfèrent croupir dans le purin (là au moins le paysage est familier), s'accrocher aux singes, sentir Papa derrière et se reposer sur ses gros biceps, qui ont besoin de voir une grosse face poilue à la Maison Blanche, trop lâches pour regarder en face l'hideuse réalité de l'homme. » 
« En baisant le système à tout bout de champ, en détruisant la propriété de façon sélective et en assassinant, une poignée de SCUM peut prendre le contrôle du pays en l'espace d'un an SCUM organisera des Sessions Merdiques au cours desquelles chaque homme présent fera un discours commençant par la phrase : « Je suis une merde, une merde minable et abjecte », à la suite de quoi il fera une longue liste des différents aspects de sa merdicité. » 
« Beaucoup de femmes continueront à s'imaginer pendant un certain temps qu'elles en pincent pour les hommes, mais au fur et à mesure qu'elles s'habitueront à une société féminine et qu'elles seront accaparées par leurs projets, la lumière se fera en elles et elles verront clairement à quel point l'homme est inutile et banal. » 
« Les quelques hommes qui resteront sur la planète auront tout le loisir de traîner leurs vieux jours chétifs. Ils pourront se défoncer ou frimer en travelo ou regarder agir les puissantes femmes en spectateurs passifs, essayant de vivre par procuration (un procédé électronique leur permettra de se brancher sur la femme de leur choix et de suivre en détail ses moindres mouvements. » 
« Ils pourront se présenter au centre de suicide le plus proche, amical et accueillant, où ils seront passés au gaz en douceur, rapidement et sans douleur. »  

Virginie Despentes, la « Solanas française » ? 

Virginie Despentes peut-elle encore être considérée comme la Solanas française, après avoir été adoubée par le petit monde phallocrate des lettres avec le Renaudot ? Même si je ne suis pas « cliente » de ses romans, force est de reconnaître qu’avec « King Kong théorie », pamphlet féministe dans la lignée des gender studies, Despentes s’est imposée comme une descendante de Solanas, mais aussi de Woolf et Beauvoir… Bien sûr, on ne naît pas femme, on le devient et bien sûr toute femme pour être libre doit avoir une chambre à elle et une indépendance financière…mais ça ne suffit pas. Se servant de son expérience de fille de prolo en province, de prostituée occasionnelle, de victime d'un viol et de femme écrivain/réalisatrice devenue médiatique en partie pour des mauvaises raisons, Virginie Despentes écrit un livre coup de poing sur la condition des femmes des années 2000 dans une société capitaliste obsédée par l'argent, l'apparence et le formatage des identités sexuelles. Contrairement à la majorité des féministes, elle défend la prostitution et le porno (dans certaines conditions).  

Extrait qui donne le ton puisqu’il s’agit des premières phrases du livre :

« J'écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du marché à la bonne meuf. Et je commence par là pour que les choses soient claires: je ne m'excuse de rien, je ne viens pas me plaindre. Je n'échangerais ma place contre aucune autre, parce qu'être Virginie Despentes me semble être une affaire plus intéressante à mener que n'importe quelle autre affaire ».

« Blonde » de Joyce Carol OATES : le livre-jumeau de « La faculté des rêves » 

Cet énorme roman (976 pages) sorti en 2000 est le modèle revendiqué de Stridsberg et on comprend pourquoi : même liberté prise par rapport à la « vraie » histoire ― mais n’y a t-il pas autant d’histoires qu’il y a des gens pour la raconter ? ―, même volonté farouche de « faire littérature » à partir de personnages ayant existé. Le parallèle entre Valérie Solanas et Norma Jean Baker, alias Marilyn n’est pas anodin : elles ont les deux faces de la femme américaine du XXème siècle et peut-être qu’au-delà elles incarnent les contradictions universelles dans lesquelles se trouvent piégées les femmes. Plaire à tout prix aux hommes ou être condamnée à la solitude, accéder au statut de sujet de sa propre vie en devenant objet de désir, oser être libre quitte à en être marginalisée, être la mère ou la putain, etc. « Blonde » est certainement le meilleur roman de Joyce Carol Oates et si vous ne l’avez pas lu, je ne saurais que trop vous conseiller de le lire à la suite de celui de Stridsberg. 

Les folles suicidaires : Virginia, Marina, Unica, Sylvia (l’eau, le feu, l’air, la terre)

Si j’ai adoré le livre de Stridsberg, c’est parce qu’en plus d’être un roman qui a du style, c’est un hommage posthume à une femme intelligente et libre que la société américaine a étiqueté comme folle, marginale et inadaptée. Pour moi, elle appartient à toute une constellation de femmes-artistes plus ou moins maudites qu’on a qualifié de « folles » un peu vite parce que ça arrangeait bien la société (qui dégaine son étiqueteuse plus vite qu’un vendeur de supermarché quand le directeur du magasin est dans son dos). Je vous invite donc à un petit tour d’horizon forcément subjectif des écrivains folles suicidaires, juste pour vous donner envie de lire...  

Virginia Woolf (1882-1941) est l’auteur d’essais dont un incontournable figurant dans toute biographie du féminisme digne de ce nom, Une chambre à soi, de nouvelles, de romans (Mrs Dalloway constituant certainement la meilleure porte d’entrée dans l’œuvre romanesque) et d’un considérable journal (autant par le nombre de pages que par la qualité), elle est une des auteurs phares du XXème siècle et le symbole de la femme écrivain.
Elle est la femme de l’eau : cet élément se retrouve partout dans son œuvre et son suicide par noyade (dans une flaque) n’a fait que confirmer cette correspondance. 

Marina Tsvetaïeva (1892-1941) est née en Russie, elle s’est principalement illustrée en tant que poétesse (une poétesse russe, si c’est pas la classe ça) mais aussi pour sa Correspondance à trois avec Pasternak et Rilke. Elle s’est suicidée en 1941, après avoir subi une vie de privations dans la Russie communiste (une de ses filles est morte de faim). Elle a fréquenté beaucoup d’intellectuels russes et a aussi séjourné en France avec ses enfants.
Elle est sans conteste le feu : grande amoureuse, elle se plaignait de ne trouver personne voulant de son feu.  

Unica Zurn (1916- 1970) est née en Allemagne (elle fait d’ailleurs un parallèle très intéressant entre le morcellement de son esprit et celui de sa ville natale, Berlin) et elle fut la compagne de l’artiste Hans Bellmer (connu pour ses poupées désarticulées et massacrées). Artiste elle-même (écrivain, dessinatrice, folle d’anagrammes et touche à tout), elle se suicida en 1970 laissant une œuvre éparse. L’homme-jasmin, titre magnifique, sous-titré Impressions d’une malade mentale  est un excellent livre qui parle de sa folie, de l’hôpital, des médecins mais aussi des rêves, de l’amour, de la mort, de la création avec une originalité et un style indéniables.
Elle est l’aérienne : la lecture du passage sur la danse dans  L’homme-jasmin ne laisse aucun doute à ce sujet. 

Sylvia Plath (1932-1963) est née aux U.S.A., elle a épousé le poète anglais Ted Hughes. Elle voulait être « la poétesse de l’Amérique » et que son mari soit « le poète de l’Angleterre ». Si son mari a réussi de son vivant, elle a d’une certaine manière réussi de façon posthume puisque son œuvre a été reconnu en 1965, deux ans après sa mort. En plus de ses poèmes, Ariel, Trois femmes, Traversée, Arbres en hiver, elle a écrit un roman autobiographique très réussi, La cloche de détresse. Obsédée par la mort, elle a beaucoup écrit sur la renaissance. Elle subit des électrochocs en 1953 et se suicide dix ans plus tard, alors qu’elle est séparée de son mari et a des enfants en bas âge.
Se comparant à un camélia, elle ne peut être que la terre.  

Pour finir, je ne peux que vous inciter à l'étonnant SCUM Manifesto.  


Marianne Desroziers