Revues en ligne : les fanzines du XXIe siècle ?
Jadis, au XXe siècle – certains d’entre vous avaient peut-être déjà atteint l’âge d’homme (ou de femme ) –, les petits jeunes tendance anar qui se piquaient de poésie, de littérature ou d’art graphique, faisaient marcher leurs méninges et leurs photocopieuses pour créer de leurs petites mains inexpérimentées des objets bricolés et émouvants : les fanzines et les graphzines.
Un exemple au hasard avec la Poire d’Angoisse, revue de « bondage linguistique et graphique » et son numéro consacré à Jacques Abeille, artiste et écrivain bordelais de premier ordre.
Aujourd’hui, les temps ont changé mais heureusement pas l’enthousiasme, le talent et la curiosité de quelques-uns. Internet permet à ceux-là (et aux autres malheureusement) de créer facilement une revue en ligne, souvent gratuite et fondée (et nourrie) par des êtres passionnés et désintéressés (si, ça existe encore).
La revue Angoisse promet de bien alléchantes découvertes à ceux qui ont la patience d’attendre le téléchargement un peu lent de son numéro 7 : « Des chevaux échappés des enfers, du sperme, des fêtards flous, des pertes de repères et des écrivains névrotiques, des Christ en souffrance, des piranhas en 3D et une fin du monde débile, une biche éclatée et un loup pervers… ». On y trouve les textes d’Andy Vérol, Paul Sunderland ou Manuel Montero.
E-Torpedo, « le webzine sans barbelés », est également un bon exemple de revue décapante : fondée par Franca Maï et Di2, elle propose des rubriques littérature, cinéma, peinture, politique, société et aussi une section « free littérature » dans laquelle des auteurs offrent leurs nouvelles en lecture gratuite.
Autre revue numérique à lire : Squeeze, dont l'objectif est de promouvoir la littérature et ses talents. Elle propose un contenu littéraire attractif et varié : des contributions « libres », nouvelles, contes, essais, fragments autobiographiques... et des textes à contraintes. Leur exigence de qualité littéraire est garantie par un comité de lecture. Il existe deux numéros à ce jour que je vous conseille (le téléchargement se fait rapidement, la mise en page est très confortable et surtout les textes de qualité).
Bien sûr, aux éditions de l’Abat-Jour, nous n’avons rien contre les revues papier, il y en a d’ailleurs de très bonnes : Cyclocosmia, La femelle du requin ou Dissonances. Et aussi Grumeaux qui se définit de bien belle manière : « Résolument tournée du côté des écritures et pratiques poétiques contemporaines, du côté d’une langue travaillée, vivante, réflexive, qui rompt par l’invention formelle le consensus des langues mortes d’avoir omis de s’affronter au réel et à ce qu’il a d’innommable, la revue Grumeaux résiste au fade et au lisse. Dans la flaque de production littéraire uniformisée et inoffensive qui se répand, nous rassemblons – poètes, artistes, philosophes, lecteurs... –, nous divisons. »
Certaines revues passent même du web au papier, c’est le cas de Charogne, d’abord webzine de poésie puis édité par les éditions Asphodèle. Idem pour Traction-brabant, poezine qui existe en version papier et sur le web.
Alors en ligne ou papier, gratuites ou payantes, lisez des (bonnes) revues : elles défrichent des terrains où peu ont osé mettre les pieds et explorent l’art en train de se faire, loin des diktats du commerce à tout prix, des modes et des fausses valeurs.
Pour en savoir plus :
― no_ink, plate-forme internationale des revues d'art indépendantes en ligne
― Ent'revues et son annuaire des revues culturelles
Marianne Desroziers