Les lectures en partenariat


À qui profitent les lectures en partenariat qu’on voit fleurir un peu partout sur les blogs littéraires et sur les réseaux sociaux spécialisés dans la littérature comme Babelio et Libfly ou les sites animés par des bénévoles comme Blog-O-Book ?

Rappelons d’abord le principe des lectures en partenariat pour les non initiés – il doit bien y en avoir : il s’agit pour une personne ayant un blog plus ou moins littéraire de recevoir gratuitement un livre en échange d’une critique dans le mois qui suit sur son blog et parfois sur le site de la maison d’édition concernée.
Où est le problème me direz-vous ? Tout le monde est content. Le gros lecteur – car il s’agit de cette catégorie bien spécifique d’individus étranges partageant leur vie entre l’écran de leur ordinateur et leur P.A.L – récupère des livres gratuitement. L’éditeur se fait de la pub à moindre frais : en offrant quatre ou cinq bouquins, il s’assure de toucher un public de lecteurs potentiels de plusieurs dizaines voire centaines de personnes (et ça lui coûte moins cher qu’une page dans les Inrocks ou Le Monde). L’auteur peut se sentir valorisé par le fait d’être ainsi en « contact »  avec ses « vrais lecteurs », loin de la petite secte parisienne des critiques littéraires. 

Les lectures en partenariat favorisent-t-elle la « bibliodiversité » ?
N’ayant pas réussi à trancher sur ce point, il vaut mieux ne pas être trop définitif dans nos assertions mais force est de constater que si l’on peut se réjouir de trouver dans les livres proposés ceux de petits éditeurs exigeants comme Monsieur Toussaint Louverture et les Editions des Syrtes, c’est en proportion moindre par rapport aux livres d’Albin Michel, de Grasset ou Stock.


Les lectures en partenariat sont-elles un contre-pouvoir à la prescription médiatique ?
J’ai bien peur de déplorer le contraire : les blogueurs sont souvent victimes consentantes de l’air du temps, du livre qu’il faut absolument lire et que le buzz se soit créé sur Internet ou dans Télérama ne change rien à l’affaire.
 

Un autre problème se pose et il est d’ordre éthique. Pour les utopistes qui veulent encore voir dans le web un formidable espace de liberté, de création, d’expérimentation, d’échanges, il peut être perturbant de voir qu’un site comme Myboox propose aux blogueurs d’être « critiques officiels » du site (et donc d’Hachette, à l’origine du site) pendant un an en échange de trois livres offerts par mois. En tout cas, ça me dérange et m’alerte ce côté « critique officiel » et je ne suis pas prête à m’enchaîner à un mastodonte de l’édition pour un an, tout ça pour recevoir quelques livres gratuits.      


Marianne Desroziers