Le syndrome du caméléon

 

Le patron m’a convoqué. Il préférait que je me charge du boulot moi-même.

― Tout ce qui touche à Charly Wang peut nous exploser à la gueule à la moindre fuite. Vous comprenez ?

Je comprenais. Il a à peine levé la tête à mon entrée. Il parcourait l’écran de son IBM. Un nouveau joujou qu’il avait connecté au fameux roadrunner, supercalculateur qu’il partageait avec l’Agence Centrale Fédérale.

― Nos gars du département de morpho-analyse sont formels, a-t-il dit. Jimmy Jones n’est autre que le fameux Joe Ghidetti.


Il s’est interrompu et a esquissé un sourire.

― Vous vous en doutiez un peu, n’est-ce pas ? Maintenant, on en a la preuve. Il va falloir fusionner les deux dossiers et ajuster les époques. Bon dieu, ce type est un vrai caméléon.

Staboulov parcourait son mémo.

― Le gars apparaît dans nos tablettes à l’époque où il commence à publier ses poèmes et ses nouvelles sous le nom de Jimmy Jones. Puis disparaît de la circulation et réapparaît en barman du Soho sous le nom de Joe Ghidetti. Il vient vous rendre une petite visite et s’intéresse à vos amis du Gulliver. Nouvelle disparition. Il revient à N.D.Lay et reprend son nom de Jimmy Jones. Il devient l’associé de Charly Wang. Ce type est né à vingt ans et a eu pas mal de vies successives. On en rêve tous.


Un vrai caméléon. J’ai repensé au docteur Schott. Il avait écrit un livre là-dessus. Il m’en avait parlé un jour. C’était dans une autre vie.

En écrivant cela, j’ai bien conscience de jouer avec le feu. Une autre vie. Cela pousse en moi à la manière d’une grosseur suspecte.

 

 

Édouard.k.Dive