Huitième tableau : Tante Rrose
Il avait plu à grosses gouttes pendant toute la matinée.
Le ciel lourd et terne semblait toucher le lac, comme un gros lapin noir qu’on tremperait dans un bol.
J’entrai dans la salle à manger, tante Rrose moulait du poivre.
― Qu’y a-t-il dans la bibliothèque ? lui demandai-je d’un seul coup.
― ça ne te regarde pas, dit tantine en faisant craquer son moulin de plus belle.
Mon oncle André, la tête cachée derrière son journal, soupira bruyamment.
Il ressemblait tellement à cette vieille gravure de Max Ernst que j’avais vue dans un livre, au grenier. Je m’adressais donc à lui, espérant un peu plus d’explications.
― Dis, mon oncle, qu’est-ce qui se cache dans la bibliothèque ? On pourrait peut-être l’ouvrir et retirer ce qui pue et dégage pareille chaleur…
Mon oncle et ma tante me regardèrent ahuris !
― Mais enfin ! Tu ne comprends donc pas que dans la vie, il faut se mêler de ses affaires ?
― J’avoue que non. Et toi, René, tu comprends ?
― Tout le monde ne sait pas faire des textes surréalistes, avança René d’une voix forte.
― Silence ! l’interrompit mon oncle André. Silence !
René buvait du petit lait.
C’est à cet instant qu’un second plan germa dans ma tête de petite jeune fille. Ce soir même nous saurions ce qui se trouvait dans cette damnée bibliothèque.
Ce soir, nous trouverions le moyen imparable de l’ouvrir.
Nous avions échoué la première fois simplement parce qu’il nous manquait un outil.
Et quoi de plus adapté pour ouvrir les portes de la bibliothèque que le bec de notre canard Tristan ?
C’était décidé, nous l’utiliserions pour faire levier.
Oh, bien sûr, Tristan n’était absolument pas d’accord avec mon plan.
Cependant, derrière la porte de la chambre, Tantine avait tout entendu. Elle s’était aperçue que les jeunes s’isolaient fréquemment ces derniers temps et qu’après avoir été très intéressés par la poudre, cette dernière avait disparu.
Elle était convaincue qu’ils cherchaient une explication. C’est pourquoi elle s’était postée derrière la porte et avait écouté leur conversation.
Mais là, elle avait récolté plus qu’elle ne s’y attendait. Les jeunes tentaient donc de trouver un plan pour ouvrir la bibliothèque d’André. Et ils allaient utiliser le canard !
Quelle importante information elle détenait à présent.
André allait devoir être particulièrement vigilant.
Sacrée Rrose, quelle fine mouche !
Georgie de Saint-Maur