Épisode 6 : Mekelange

 

Mekelange reçoit Flambé dans son bureau, sans témoin, car dès que les politisinges se réunissent à plus de deux, ils ne savent plus parler qu’une langue : le bois.

— Vous êtes un exemple pour tous les humbles de notre Territoire, s’exclame Mekelange.

— Comment cela ?

— Vous êtes parti de rien ! Vous fûtes le mâle alpha voire même bêta. Jamais de responsabilités, jamais de vrai boulot à part discourir et vous pavaner. Et là ! Vous devenez roi. C’est un message d’espoir pour tous les miséreux, les médiocres. Vous êtes la preuve que n’importe quel singe peut y arriver. Bravo ! Belle leçon de chimpanzité que vous nous donnez là, par votre sacre improbable, Monsieur Médiocre !

 

Flambé s’essuie le front. Il est gêné. Il n’a pas l’habitude des compliments. Surtout, son instinct presque animal se demande si c’est du ouistiti ou du macaque.

— Euh… Merci. Bon, je suis venu pour discuter de…

Il tâte les poches de son costume et en sort une feuille froissée. Il reprend :

— De… 000… Ah non ! Mince ! Ça, c’est le code pin de la frappe atomique persuasive. Excusez-moi, je débute.

— De : « comment conjuguer discipline budgétaire et croissance » ?

— Oui, c’est ça !

— Ce sont deux choix opposés.

— C’est vrai. J’ai besoin de booster le pouvoir d’achat de mes électeurs avant les législatives. Je vais lâcher du lest sur les retraites. Sinon il faut payer les emplois assistés. Je dois aussi m’affirmer à l’international, arborer une posture de mâle pas trop dominé par les événements face à une guenon aussi fertile en contribuables que vous. Comment faire, Mekelange, pour cacher nos chamailleries de chapelle ? Je m’en remets à votre expérience des singeries.

— Avant même votre arrivée, j’ai fait rédiger un communiqué commun type foutage de bouche. Nous constatons nos différends et travaillons à les résoudre. Nous faisons connaissance.

— C’est pas un peu court, pour un déplacement de mille kilomètres ?

— Bien sûr que nous sommes grotesques ! Heureusement, nos électeurs ont l’habitude de nos singeries. Nous ne sommes d’accord que sur un point fondamental : dépenser l’argent de tous les contribuables de la zone euro bananier.

— Parfait ! Alors j’y vais.

— Le protocole, malheureux ! Nous devons rester ensemble environ une heure, pour faire bonne gueule. On peut ne rien décider, mais il faut faire semblant de travailler. Si vous le permettez, j’ai un roman à finir. Voulez-vous qu’une hôtesse vienne vous distraire ? Les politisinges hexagonaux ont la réputation d’être de chauds chimpanzés…

— Oh, c’est l’arbre qui cache la forêt. Enfin, moi, les frasques de mon concurrent le Primate en Rut m’ont bien arrangé.

— Comment dit-on par chez vous ? Aux innocents les mains pleines…

 

 

Lordius