Épisode 2 : Le singe était trop malin
— Au moins, nous avons éliminé l’ennemi public numéro un ! dit le secrétaire à la Guerre en bombant son torse de primate.
— La belle affaire ! réplique Arnack Aubasmot en redoublant de tics faciaux simiesques. Le rusé macaque perfide nous a vaincus deux fois : en rasant nos Cocotiers Géants Jumeaux et, pire, en nous faisant perdre des sommes faramineuses en lutte antiterroriste et guerres stériles. Quel ennemi des Territoires-Unis peut se vanter d’avoir creusé notre dette de plus de cinq mille milliards de dollars bananiers ? Une minuscule tribu de macaques fanatiques est parvenue à cet exploit ! Voilà l’héritage que je dois gérer ! Pouvez-vous imaginer que mon prédécesseur le Nigaud a quand même été réélu voici quelques années ?
— Le peuple chimpanzé est lent à comprendre. Et les politisinges sont élus pour leur capacité à caresser les électeurs dans le sens du poil, pas pour leur compétence à gouverner. Sauf vous, bien sûr, monsieur le Président…
— Hum ! Il a autant de neurones qu’un singe hurleur !
Léon fronce ses gris sourcils. Traiter ainsi un chimpanzé est une grave insulte, les singes hurleurs étant réputés comme les plus stupides du peuple singe, qui contient pourtant beaucoup d’espèces considérées comme arriérées.
— Quand je pense, reprend le président d’un ton courroucé, que j’ai dû me cogner sa tronche de nigaud lors des cérémonies de commémoration des attentats macaques ! Damn ! Aucune singerie ne me sera épargnée… Bref ! Je compte sur vous pour liquider le second pot de pus au plus vite. Nom d’un canidé ! Dix ans que nous faisons la guerre à la Contrée des Montagnes Opiacées. Et pour quel résultat ? La plus puissante armée du monde et ses alliés sont tenus en échec par une poignée de ouistitis faméliques armés de kalachnikovs à vingt dollars bananiers ! Mais je sais pourquoi, moi ! Comme on dit chez nous, no pain no gain : on n’a rien sans rien. On veut éviter les pertes en vies simiesques et, du coup, on se prive de victoire !
— Je me permets d’avoir une opinion différente, monsieur le Président. Il s’agit d’une guerre de guérilla. Or, depuis la guerre du Territoire des Rizières Coriaces, on a appris à nos dépens qu’une armée conventionnelle ne peut pas gagner une guérilla. Seule une solution politique peut nous sortir du bourbier montagneux.
— Vous avez raison, Léon. C’est pour votre sagesse que je vous ai nommé. Depuis trop longtemps, les Territoires-Unis sont gouvernés par des primates ! Il faudrait que le peuple des Montagnes Opiacées prenne le relais de notre lutte, et assume lui-même son avenir. Qu’il s’approprie le bâton merdeux, nom d’un canidé !
— Je crains que cela ne reste un vœu pieux. On disait la même chose du temps de la guerre des Rizières Coriaces, avec le résultat que l’on sait…
— Hum ! J’aime la contradiction et le débat, Léon, mais n’en abusez pas ! Je commence à me demander d’ailleurs si vous n’êtes pas un singe trop malin pour ce poste…
Lordius