Épisode 1 : Passation de patate chaude

 

 

Gringalus poireaute dans la cour du Palais Royal. Il est entouré d’une foule de gorilles comme l’exige le cérémonial presque animal. Leur inutile présence coûte cher au contribuable de la Contrée Hexagonale. D’un autre côté, il faut bien occuper les emplois assistés.

Il attend son successeur sur le tapis rouge tout neuf qu’on déroule tous les cinq ans. Pour conjurer le mauvais sort pendant la campagne présidentielle, il avait discrètement immolé le tapis maudit. Hélas ! Il lui a fallu en racheter un, car il n’a pas su embraser le cœur des électeurs. Seul le tapis a pris feu et lui s’est pris les pattes dedans (le tapis, pas le feu).

 

Épuisé par cinq longues années de vaines gesticulations ruineuses, Gringalus somnole debout. Donner l’air concentré et attentif quand on est assoupi est une technique de base que tous les politisinges apprennent dès leur entrée à l’École Nationale d’Arnaque. Il a décidé de prendre de longues vacances après la cérémonie, pour reposer le peuple de la Contrée Hexagonale, lui aussi laminé par le quinquennat simiesque.

 

Soudain, il est réveillé en sursaut par des huées. Il retient une grimace : ces sifflets lui rappellent sa campagne électorale et les quatre ans qui l’ont précédée. Tiens, c’est son successeur qu’on siffle, tandis qu’il parcourt le tapis maudit. Déjà impopulaire ?

Non ! Ce sont les chimpanzés qu’il a payés pour l’acclamer quand tout à l’heure il va se retirer avec le moins d’indignité possible. Ah, les primates ! On doit toujours huer dans le sens du vent. C’est trop tôt, son successeur n’a pas encore eu le temps de faire des bourdes.

 

Flambé avance à grandes enjambées sur ses courtes pattes arrière.

Aussi courtes que les miennes, si la chose est possible ! note avec délectation Gringalus.

Flambé bombe son torse de primate et relève la gueule pour faire mentir sa molle réputation. De fait, il paraît presque énergique.

Les deux indignes dignitaires du régime banané se serrent la patte en souriant. Ils dialoguent à voix basse tout en arborant leur rictus pour les photographes, une technique subtile qui demande aux politisinges des années d’entraînement protocolaire :

— J’ai cru entendre des huées. C’était pour vous ? demande Flambé, étonné.

— Une erreur de com’, soupire Gringalus. Ma dernière. Je suis entouré de primates.

— Ça me fait penser que j’ai du mal à trouver des ministres. J’ai fait l’erreur de déclarer que je ne prendrai que des chimpanzés intègres…

 

 

Lordius