Septième tableau : Desseins
Comme à mon habitude, en rentrant à la villa, je
passai la main sur la bibliothèque : une vilaine écharde pénétra mon doigt pendant qu’elle se mit à dégager une forte chaleur.
La touffeur était moite et semblait porter en elle
tous les ferments du vice.
Un cadre de Georgio de Chirico se détacha du mur et
tomba sur le sol avec un bruit heureusement fort amorti par l’épaisseur des carpettes. Difficilement, tante Rrose se baissa pour le ramasser, en offrant du même coup le spectacle ignoble de son
postérieur.
Je me souviendrai toujours de mon oncle André, suant
à grosses gouttes sur ses sourcils épais, tandis qu’ayant relevé ses manchettes, il astiquait la buée qu’il exhalait sur ses lorgnons.
― Nom de nom, mais qu’est-ce qu’il fait chaud ici,
se plaignit-il, c’est toi qui as augmenté le chauffage, Rrose ?
René me montra soudain, sur le buffet rustique, le
couvercle de la boîte de poudre qui rutilait comme un tambour d’argent.
Sur le conseil de mon frère et afin de protéger sa
nouvelle, nous en avions subtilisé le contenu et l’avions déversé dans le lac.
Tante Rrose, qui était allée jusqu’au salon, revint
vers la salle à manger.
― Voyons, André, ne te voile pas la face, c’est la
bibliothèque qui dégage cette chaleur, la poudre était insuffisante.
― Pauvre de nous, Rrose !
― Qu’aucun d’entre vous ne s’approche plus du salon
! Vous m’entendez ? Personne ! C’est un ordre !
Quant à mon oncle André, il ne put
qu’ajouter :
― En tout cas il semble que tu aies fait mouche,
Rrose !
Georgie de Saint-Maur