La dérive des incontinents
Je passe mes nuits à attendre d’improbables visiteurs en feuilletant les revues qu’O’Flaherty a laissé traîner sur mon
bureau.
Je m’y informe des dernières nouveautés en matière de cryptographie, de vidéosurveillance ou d’enregistrement audionumérique.
― Ça vous intéresse tous ces gadgets ? m’avait demandé un jour Ange Staboulov. Vous aimez ça, la face cachée des choses... et même la face cachée de la chose, n’est-ce pas
? avait-il ajouté en rigolant.
La vie semble avoir déserté l’International Spy Foundation. Le grand manitou a disparu. O’Flaherty se donne
l’air absorbé par d’obscurs travaux. Il évite tout contact avec moi et met fin par un « Excuse-moi, j’ai du travail » à toutes mes tentatives pour lui parler.
Je vais quitter le White Swan. Hier, Charly Wang m’a demandé de passer à la
réception :
― Vous comprenez, m’a-t-il dit, il y a beaucoup de touristes en cette saison et je ne peux me
permettre de vous louer une chambre à l’année.
Il m’a donné l’adresse d’un cousin à lui, dans le quartier
de San Pedro.
― Il loue des chambres. Vous y serez très bien.
Le quartier de San Pedro. Pendant quelques instants, j’ai pensé que c’était un hasard mais le propriétaire du
White Swan, comme à son habitude, a enfoncé le clou en douceur :
― Je crois d’ailleurs qu’il en loue une à
votre cher Monsieur Rimasky. Vous pourrez sans doute le rencontrer.
Puis il a ajouté, avec dans la voix
quelque chose qui ressemblait à de la compassion :
― Comme on dirait chez vous, il est temps de
siffler la fin de la partie.
Édouard.k.Dive