Dixième tableau : Dénouement

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Discordants, les hululements d’une chouette chevêche endeuillaient la nuit. 

René ne trouvait pas le sommeil.
Par deux fois, je lui avais proposé d’ouvrir la bibliothèque et, en dépit de mon jeune âge, je ne manquais pas d’imagination. Après le bec de notre canard, je lui proposais d’utiliser son chapeau-melon comme outil.
« Ce ne sera pas nécessaire », me confia-t-il.
Que se passait-il ? Pourquoi ce refus ? 

Une seule solution, le vin ! En échange d’une bouteille, tante Rrose, bravant l’interdiction, lui avait confié la clef.
Il n’y avait plus une minute à perdre !
René se leva précautionneusement et se dirigea vers la garde-robe.
Une fois ouverte, il en retira le matériel de dadaïsme qu’il y avait installé dès son retour par mesure de précaution.
Je le vis enfiler une salopette et une paire de gants jaunes, chausser des lunettes de protection, enfoncer des boules de cire dans ses oreilles et descendre l’escalier qui menait au rez-de-chaussée.
Absorbé par ses desseins, il n’avait pas remarqué que sous le bas de la tenture du hall dépassait le bout menaçant d’une paire de pantoufles !
 

Il pénétra dans le salon, sans voir qu’il était suivi par notre oncle, ce dernier ne s’était pas rendu compte lui-même que je le suivais à pas de loup.
La proéminence dans les portes de la bibliothèque me semblait plus grosse que jamais, elle sifflait et suintait à n’en plus finir…
Dans ce vacarme immonde, René prit le double de la clé que lui avait confié tante Rrose et fit glisser les verrous de la bibliothèque.
Son cœur battait la chamade.
Ses mains fouillèrent le meuble, mais il dut se rendre à l’évidence, à part un parapluie : rien. Le vide ! 

Quelle était cette farce ?
Était-il possible que cette histoire abracadabrante ait été inventée ?
En bon dadaïste lui vint alors une idée : et si la bibliothèque possédait un double-fond ? Sa main fut aussi rapide que sa pensée et déjà il trouvait l’encoche où glisser un ongle, le fond se soulevait… Son cœur battait à tout rompre !
C’est à ce moment que l’oncle André se dressa derrière lui, comme un éléphant :
― La littérature surréaliste est à moi, barrit-il. À moi seul !
Surpris, René ne sut contrecarrer l’attaque. Il se laissa ceinturer et propulser dans l’angle du salon où je me cachais. 

L’excroissance horrible quitta alors la bibliothèque et se mit à filer à toute vitesse et dans tous les sens, déformant à présent les murs et le tapis, renversant le guéridon et la belle lampe de chevet.
Tandis que mon oncle André soulevait bien haut une chaise pour l’écraser, elle sembla se figer. René me souffla alors dans l’oreille :

― Tu vois cette scène, Zaza ? Regarde bien, car ça… ça, c’est le surréalisme même !
Le siège s’abattit avec force, han, sur la prose surréaliste, et cette dernière, telle une goutte de mercure, s’éparpilla en milliers de petits textes qui en passant sous nos pieds nous firent des chatouillis. 

Dehors, un vent rageur ondulait l’eau du lac. 


Georgie de Saint-Maur   

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