De la nécessité d’apparaître professionnels

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Il est bien des choses à dire à propos du professionnalisme.

Pour ma part, beaucoup d’éléments me portent à croire que l’habileté et la fiabilité des gestes posés par l’homme de l’Art sont la clef de son succès.
Que l’absolue démission des autres êtres confrontés à son savoir-faire engendre la reconnaissance de ses aptitudes, et ouvre bien grand les portes d’une carrière ou perle sa suprématie dans le domaine qu’il a choisi.
Et je dois confesser, à mon grand dam, au cours de ce regrettable épisode que c‘était bien dans cette perspective teintée de respect que nous accueillaient ce jour-là Viviane et Ugo, les propriétaires de la galerie Vianetti à Bruxelles.

Ils étaient à cent lieues d’imaginer que ce simple geste, bien loin d’assurer la mise en place d’une exposition, allait permettre à notre équipe, au meilleur de sa forme, d’interpréter une longue série de scènes burlesques, assurément sorties tout droit d’un film des Marx Brothers. 

Berga fit les présentations, et la façon dont il procéda ne pouvait que, soit renforcer la confiance naturelle que nous semblions inspirer, soit nous faire irrémédiablement passer pour des fous mégalomanes…
(Hélas, la suite des évènements ne cessera de confirmer cette malheureuse alternative.)
― Voici mon collègue Georgie de Saint-Maur ! déclara-t-il d’une façon un peu trop solennelle, je pense.
― Ensuite, voici Stratos, notre ingénieur technicien (la formule impressionna) et Étienne, notre transporteur. 
On nous proposa du café et des croissants dans un climat de déférence, ou je crus quand même déceler un soupçon de reproche : nous avions deux heures de retard !
― Peut-être, nous fit-on remarquer, serait-il temps de commencer le travail ?

C’était compter sans l’autorité expérientielle des hommes de métier que nous étions.
Nous mangeâmes et bûmes pendant trois quarts d’heure, en donnant l’impression que nous savions parfaitement ce que nous faisions.
Ensuite Berga se leva brusquement de table, éclairant, ce faisant, les visages des deux galeristes… Sa détermination soudaine ne cachait que son intention de se rendre aux toilettes.
Quant à moi, je me dirigeai d’un pas vif vers le portemanteau, fouillant mes poches à la recherche de cigarettes.
Étienne, tout en songeant qu’après tout, il n’était que le transporteur, reprit du café et un croissant, tandis que Stratos annonçait d’une voix ferme et décidée qu’il n’avait pas l’intention de rester fort longtemps avec nous ! 

Cette déclaration eut malheureusement un effet détestable sur l’atmosphère générale dans laquelle baignait jusqu’alors notre travail.

Mes trois compagnons, saisis d’une fébrilité inattendue, se ruèrent soudain vers le véhicule qui nous avait amenés.
Je dispose de peu de vocabulaire pour décrire la camionnette d’Étienne… Disons, pour s’en faire une idée, qu’il me suffira de préciser qu’elle est grande… très grande !
Et qu’elle était bourrée de sphères peintes jusqu’à la nausée. 


Georgie de Saint-Maur   

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