Le projet Oneiros
Le professeur est satisfait. Il a détecté en moi un « Potentiel Créatif Hors Norme ».
Depuis Jack Rimasky, est-il écrit, je n’ai jamais rencontré un tel foisonnement.
Lorsque j’ai lu ces lignes pour la première fois, je n’ai pas compris à quoi mon oncle faisait allusion. Rien de tout cela n’est moi.
La machine trône au milieu d’une pièce secrète. Cela lui a pris vingt ans pour la mettre au point. Un générateur de réalité.
Tout est expliqué dans un dossier que tous les soirs il enferme dans son coffre. C’était sans compter sur mes talents de serrurier.
Un soir, j’ai réussi à m’en emparer. Depuis je passe mes nuits à éplucher les notes du professeur Ange Staboulov.
« Tout a commencé par ma fascination pour la folie et par ce fantasme de vouloir partager l'expérience des grands délirants. C'est ainsi que je me suis lancé dans l'étude de leur fonctionnement neuronal...
Le reste a été affaire de rencontre. Celle de Raoul Da Silva, un patient sud-américain que j’ai eu la chance d’accueillir à Sainte-Rose. Da Silva m’a fait connaître le vieux culte d'Oneiros et m’a enseigné les techniques de contacts neuropsychiques qu’il tenait de certaines tribus amérindiennes...
De tout cela j’ai tiré mon générateur de réalité. Le principe est simple. Je me branche à la machine et entre en contact avec le patient. Je sers ainsi de conducteur au flux délirant que ce dernier déverse en moi et que j’envoie à mon tour dans la machine. Le délire est numérisé et stocké à l'aide d'un logiciel ad hoc. Pour vivre ce délire, il suffit de se connecter à la machine et de coiffer un casque de réalité alternative. »
Mon oncle semble tenir à ce terme. On le retrouve à plusieurs endroits.
« La réalité générée par la machine n’est pas une réalité virtuelle, c’est une réalité alternative dans laquelle celui qui s’y connecte vit réellement et à laquelle il croit. Recevoir dans son corps un esprit étranger. »
Il a baptisé ce projet « Oneiros ou la transmigration des âmes folles ». J’ai repensé à ce livre d’un certain Kadic. Il m’en a souvent parlé. Je ne me souviens plus du titre exact. Juste ce mot qui me faisait rêver lorsque j’étais enfant : la transmigration...
Un autre chapitre est consacré à la diffusion de ses travaux : « Tout cela doit rester secret, peut-on y lire, si mes collègues ou mon équipe apprennent l'existence de mes expériences, ils me feront passer pour fou. »
Quelque chose le hante cependant : « Le monde doit savoir. » Il y revient un peu plus loin : « Je dois trouver un moyen de faire connaître mon invention. »
Voilà. Je ne sais que penser. Des questions affluent. Mon oncle est-il fou ? Qui est ce délirant dont il parle et auquel il a donné mon nom ? Quel est ce projet Oneiros auquel il fait allusion ? La transmigration des âmes folles... Â cette pensée, je sens monter en moi une angoisse que je connais bien. L’évidence de l’apocalypse.
Édouard.k.Dive