Chapitre 1 : Renaissance

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Il lève la tête et contemple le ciel. Depuis combien de temps n’en a-t-il pas vu d’aussi majestueux ? Le ciel est gris — un gris ténébreux, une couleur qui vous glace le sang. Il sourit et regarde autour de lui. Un élément l’interpelle : c’est un homme, accroché à une croix par les pieds et les mains, le visage presque abandonné de toute vie, mais une larme coule distinctement le long de sa joue. Il s’approche et touche les pieds du martyr ; ses mains en sont maculées de sang. Une jouissance l’enveloppe et le plaisir est si intense qu’il se met à boire à grandes gorgées le liquide visqueux.

Un râle arrête l’assoiffé. Le crucifié essaye de lui parler. Il s’essuie la bouche et s’assoie près de lui pour l’écouter :
— Qui es-tu… que fais-tu… de mon sang ?
— Je suis ton sauveur, pauvre fou. Ton sang est mon régal.
Le mourant le regarde sans vraiment comprendre.
— Mon nom est Serphar. Je suis le seul qui peut encore venir à ton secours. Contente-toi de me raconter ton histoire et je soulagerai ta peine.
Sans voir que le visage de l’étranger peu à peu se modifie, de l’assombrissement de ses yeux semblables au ciel d’orage aux taches de moisissure qui se forment sur ses lèvres, l’homme commence péniblement son récit.
— Je m’appelle Daniel… je suis jardinier… je travaillais chez Monsieur Keller, le médecin du village… Ma vie était tranquille, ma famille se plaisait ici, je ne sais pas ce qui m’a pris de faire ça… Le mois dernier, la fille de Monsieur Keller, qui venait de rencontrer un jeune homme mais n’avait aucune expérience, m’a demandé de partager avec elle… mon expérience de la chair… J’ai refusé, mais elle insistait toujours… Je n’aurais pas dû… On m’a accusé de viol, et ceux qui étaient mes voisins, mes amis, m’ont crucifié… dos à mon village, abandonné de tous… souillé et maudit à jamais.

Serphar garde un moment le silence, puis regarde le supplicié avec un intérêt nouveau :
— Qui t’a dénoncé ?
La pourriture a désormais gagné son visage ; Daniel s’en rend compte et dit en tremblotant :
— Quelle importance ?
— Réponds. Qui ?
— Le… le concierge des Keller.
— Bien. Sois tranquille, les vrais coupables recevront leur juste châtiment. Quant à toi, tu as assez souffert. Profite une dernière fois de ton merveilleux village.
Serphar attrape la lourde croix de bois fichée en terre et la tourne sans difficulté : le visage de Daniel rayonne à nouveau lorsqu’il fait face au petit agrégat de maisons en contrebas. Mais la souffrance des clous se fait ressentir et le malheureux implore. D’un geste, Serphar le décroche puis lui piétine sauvagement la tête. Le craquement des os de son crâne ne met pas un terme à sa vie pour autant : avant son dernier souffle, Serphar a le temps de lui arracher la langue, d’enfoncer les yeux au plus profond de leurs orbites et d’extraire d’une main son cœur battant.

Tout est fini. Quel calme !
Il contemple le paisible village tout en dégustant l’organe sanguinolent :
« Humains, me voilà : pleurez et cachez-vous, car votre fin est proche. Comment avez-vous osé sacrifier ainsi l’un des vôtres ? Vous qui dormez sur vos deux oreilles, votre arrogance va bientôt être punie. Priez, priez et implorez encore, car la mort n’est rien à côté du chaos qui va s’abattre sur vous. »


Cyril Calvo

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H
Je n'ai pas encore tout lu, seulement 4 chapitres, mais l'ambiance sombre créée autour de ce récit est palpable. J'encourage vivement l'auteur de rester dans ce style qu'il a très bien maîtrisé. On ne s'ennuie pas une seconde. Bravo !
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M
J ai apprecier se premier contact avec Serphar. Je suis curieu de connaitre la suite
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C
J'espère de tout cœur que l'histoire de Serphar va vous plaire et vous transporter ! J'ai hâte de lire vos commentaires et vous souhaite à toutes et à tous une très bonne lecture...
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