Entretien avec Cécile Delalandre

 

Interview de Cécile Delalandre, écrivain, auteur de nouvelles sur le site de l’Abat-Jour et d’un livre publié aux éditions Les Penchants du roseau, « Un jour de grosse lune ».


 

Comment vous présenteriez-vous en quelques mots aux lecteurs ne vous connaissant pas encore ?

 

Je crois que je suis une sorte de femme à colombages mi-effrontée, mi-pudique, cigarette aux lèvres toujours, qui chercherait un endroit classe où s’inviteraient des loubs pour y boire un coup, m’y raconter des histoires et puis partir. Ça pourrait tout aussi bien être dans la maison de Madame Bovary, la Maison Tellier ou la Maison Nucingen ou encore celle de Neauphle-le-Château que dans un bar proche de la piaule d’un Bandini, d’un Chinaski et autre Carver. Des lieux qui me ressemblent, se ressemblent peut-être au fond, dans le bocage de la comédie humaine où la dérision et le doute me tiennent lieu de béquilles.

Ce qui guide la plume qui très tôt s’est faite en moi charpente date du jour où j’ai compris que le mot est barreau, encercle la solitude, compris aussi qu’il fait comprendre mais pas sentir ma réalité à la réalité de l’autre... La quadrature du cercle ! (de vieilles pensées folles empruntées aux protagonistes du Human Be-In, à Schopenhauer, à Winnie l’Ourson, à Lewis Carroll ou encore à Saint-Augustin bien avant que je connaisse tout ce beau monde, peut-être ?…veux pas savoir, m’intéresse pas). Bref, trouver la faille dans le mot, celle par où passerait l’émotion d’un instant. C’est pour ça que j’écris, donc. C’était un jour de neige, j’avais cinq ans, je n’étais pas encore une femme à colombages.

Entre temps, j’ai enduit mon lattis de la chaux des poèmes de Rimbaud, Vian, Apollinaire, Prévert, Chénier, Hugo, Verlaine, et tant d’autres… mais c’est Baudelaire, Ferré et Queneau qui restent ma « confiture verte ».

 

Un mot sur vos blog, « Lunule de Chios » et « Reste la Forêt » : quand et pourquoi avez-vous créé ces blogs ? Que pensez-vous des nouvelles possibilités données par Internet aux auteurs ?

 

Ma mère me disait souvent que j’étais dans la lune et aussi que je la faisais rire. Ça me plaisait de m’imaginer en lune qui fait rire, ça me plaisait aussi que ça lui plaise. Alors quand j’ai créé mon blog « Lunule de Chios » il y a un peu plus de deux ans, j’ai repensé à tout ça… Lunule, comme ces deux bouts de lune dont Hippocrate de Chios s’est servi pour chercher en vain la quadrature du cercle, et puis Chios, une île où Homère serait né, toutes ces correspondances, ça m’allait ! C’est comme ça que j’ai marié ces deux mots. Ils ont enfanté mon blog. 

J’en ai créé deux autres aussi : « Poupie Limpopo », consacré uniquement à un petit conte pour enfants qui est terminé et que je tarde à envoyer aux éditeurs jeunesse (et puis j’avoue que secrètement je rêve d’en faire une comédie musicale pour enfants), et « Reste la Forêt » dédié à un roman que pour l’instant je laisse maturer comme du beurre dans la saumure. « Lunule de Chios » est mon blog principal où je publie régulièrement mes écrits qui sont dans l’ensemble constitués de courtes nouvelles, de poèmes ou de textes de chansons.

La raison pour laquelle j’ai créé ces blogs est d’abord liée à l’immédiateté et à l’interactivité non seulement avec des lecteurs mais aussi avec d’autres auteurs. C’est assez étrange comme sensation. Il y a d’abord moi devant mon écran qui écrit seule sur mon île-blog (comme je le faisais avant que je dispose d’un ordinateur) et puis quand j’ai terminé, grâce à un seul clic je peux offrir mon texte à la planète entière comme un comédien qui des coulisses arrive et se dévoile sur scène quand le rideau s’ouvre. Magique ! Et là, rapidement et de partout, je peux immédiatement avoir des retours, savoir si mon texte trouve écho… Donc dans un premier temps je dirais qu’écrire sur un blog a un effet boomerang (miroir aussi) presque instantané qui vient stimuler ma création. D’ailleurs, je n’ai jamais tant écrit depuis que je « blogue ».

Internet offre bien sûr aux auteurs de multiples opportunités de se faire connaître, d’obtenir de la visibilité, d’émerger…encore faut-il faire preuve de pertinence dans le choix de ses voyages à travers la jungle des multiples sites d’édition en ligne ainsi qu’on peut le faire lorsqu’on envoie un manuscrit à un éditeur classique, sinon je crois qu’on risque de se perdre. Je dois dire que j’utilise assidûment des réseaux sociaux comme Facebook pour non seulement y faire connaître mes écrits mais aussi pour y découvrir d’autres auteurs et visiter les nombreux éditeurs en ligne qui y exposent leur vitrine. Cela me permet parfois d’avoir des échanges riches et de collaborer avec d’autres auteurs dont certains résident sur d’autres continents. 

Malgré le fait qu’Internet ait permis à un nombre incalculable de personnes de se mettre à écrire, il offre cependant l’avantage d’une approche et d’une proximité plus accrue avec les éditeurs, sans parler du rôle évident qu’il va jouer et joue déjà dans la diffusion littéraire. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui on ne peut faire l’impasse sur la publication numérique (dans tous les domaines du reste) mais en ce qui concerne la production littéraire, je la considère davantage comme une bannière qui viendrait supporter une édition papier. Mais il m’arrive de publier des textes sur des touches qui resteront numériques juste pour le plaisir de m’exposer et de partager.

 

Hormis sur votre blog, on peut lire vos textes sur le site des éditions de l’Abat-Jour et sur Scryf : pourquoi là ?

 

Comme je le disais plus haut je cible les sites d’édition en ligne auxquels je m’adresse…je ne sème pas au hasard. Parfois il y a écho, parfois non. J’ai très vite été attirée par le site des éditions de l’Abat-Jour pour toutes les raisons qu’il affiche sur sa page d’accueil : une maison d’édition anti-conformiste, ouverte à de nouveaux auteurs et offrant un espace gratuit dédié aux nouvelles en ligne, et puis surtout on peut y lire des auteurs originaux, atypiques et plein de talent. Je me suis tout de suite sentie en affinité avec l’esprit des éditions de l’Abat-Jour. Ce que j’apprécie aussi c’est le sérieux et le professionnalisme de son directeur Franck Joannic. Anti-conformiste certes, mais absolument pas complaisant, il est toujours scrupuleux et exigeant tout en étant respectueux quant au texte qu’on lui présente. Et puis il semble qu’il soit en constante condition de proposer des choses nouvelles comme par exemple cette possibilité de pouvoir publier de courtes nouvelles enregistrées (ce qui m’enthousiasme car pour moi la voix est importante, je crois que plus que le regard, elle est le reflet de l’âme, si tant est qu’on en ait une...), l’ouverture aussi à des écrits en collaboration et tout dernièrement la possibilité d’écrire un roman collectif sur le thème de la fin du monde ! Bref cette maison d’édition en ligne fourmille d’idées originales ! Le problème c’est que je ne dispose pas toujours du temps nécessaire pour participer à toutes ses alléchantes suggestions…

Le temps ! C’est aussi pour cette raison que je me suis mise actuellement en stand-by sur la plate-forme de Scryf où j’ai déjà effectivement déposé quelques textes. Là je connaissais certains des co-fondateurs mais ça n’est pas que cela qui m’a attirée. D’abord c’est un lieu associatif indépendant et communautaire où l’on peut adhérer gratuitement aussi bien en tant qu’auteur qu’en tant que lecteur, et le must c’est que chacun peut y commenter les écrits ! Ça peut être aussi bien un retour succinct que des analyses plus fouillées, objectives et sans complaisance mais là encore dans un esprit sain et toujours respectueux. D’ailleurs les animateurs de la plate-forme veillent au grain… quoi qu’il en soit, c’est un site communautaire qui permet aussi et surtout de s’enrichir, de progresser, de s’améliorer… et puis on y trouve aussi des auteurs de qualité. On s’y amuse aussi puisque régulièrement des concours où l’on ne gagne que l’estime des autres y sont proposés ! J’attends un peu d’avoir terminé d’autres travaux en cours et j’y retournerai. 

Je suis aussi attirée par des endroits qui ne me ressemblent pas à priori. C’est pour cette raison que je vais aussi faire traîner mes mots sur le site des éditions F4. On y trouve également des auteurs de talent et l’éditeur, Auddie, lui-même auteur et musicien, permet à ses invités d’écrire, d’échanger, de créer, de laisser aller les idées en toute liberté et sous toutes les formes. Il publie aussi des livres en édition papier et en édition digitale. C’est aussi une plate-forme de musique électro/techno, un champ qui m’est complètement étranger et qui n’est absolument pas ma tasse de thé mais comme je suis curieuse, j’aime à m’y aventurer pour y découvrir d’autres mondes. 

 

Vous avez publié un livre aux Penchants du Roseau, « Un jour de grosse lune » que j’ai beaucoup aimé ainsi que je l’ai dit dans ma critique (à lire ici) : comment est né ce texte ? Des précisions sur les Penchants…d’autres livres bientôt publiés ?

 

Heureuse Marianne que mon recueil ait résonné en vous comme un écho ! Ce recueil de nouvelles est né d’un assemblage de textes que j’éditais régulièrement sur mon blog. Je n’avais jamais pensé ni cherché à les faire publier. Ils étaient là posés comme ça sur ma Lunule sans autre prétention que de les exposer et les faire lire à mes visiteurs. Il s’agit de textes courts inspirés pour certains de petites tranches iconoclastes de ma vie, ou encore de scènes imaginées liées à des musiques, des chanteurs, des films, des auteurs, des peintres…dont les ambiances tapissent toujours agréablement ma mémoire… Par exemple, « Un jour de Kiss » vient de Casablanca le film, « Un Jour de piano qui a bu », c’est Tom Waits, David Lynch, Brecht, « Un Jour de lui » c’est Hopper, le peintre… ou encore « Un jour comme un Ibis sacré », un hommage à Georges Orwell...en revanche, « Un Jour de pain perdu » et « Un jour de Septembre abusée », entre autres, sont des scènes que j’ai vraiment vécues… Comme il m’arrive toujours des trucs bizarres dans ma vie, je m’en sers… ou alors peut-être que je les provoque inconsciemment pour pouvoir les écrire ensuite ! Allez savoir !

Un jour, Christian Domec, le créateur et apprenti-libraire des Éditions « Les Penchants du Roseau » m’a proposé de les publier sous forme de recueil. Je connaissais son site sur lequel je postais fréquemment des commentaires en y laissant bien sûr l’empreinte de mon blog ! Magie de l’hyperlien ! Ce qui m’a surpris c’est que mon écriture, hormis le fait qu’elle est aussi poétique, ne me semblait pas correspondre au style des auteurs qu’il publiait déjà. Mais à échanger avec lui j’ai bien vite compris que cet apprenti-libraire fonctionnait au coup de cœur. C’est pour ça que j’ai dit illico « vamos » !

Christian Domec est un éditeur atypique, un artisan, passionné de littérature et amoureux de l’objet-livre. Il confectionne lui-même chaque exemplaire des livres qu’il publie et met un soin particulier et méticuleux à faire que la présentation soit à la hauteur du texte qu’il a aimé. Il respecte ses auteurs, les suit, les valorise et les laisse libres de partir ailleurs si l’occasion se présente. Peut-être qu’un jour moi aussi je m’envolerai, mais je n’oublierai pas l’étang où penche le Roseau.

 

À quoi travaillez-vous en ce moment ? Quels sont vos projets littéraires ou vos envies actuellement ?

 

Actuellement je travaille à un roman. Mais je ne veux pas en parler de peur que mes personnages pensent que je les trahis...ils risqueraient de me bouder ensuite ! Je les connais, ils sont bien plus susceptibles que moi !

Sinon, j’aimerais bien écrire pour le théâtre… j’ai écrit deux pièces il y a longtemps que je trouve légères et inintéressantes aujourd’hui à les relire. Désormais je me sentirais prête à me lancer sérieusement. D’ailleurs, rien que l’idée m’enthousiasme…

   

Je trouve que vous excellez dans les textes érotiques (« Le Petit Porche », « Aminata », « Kristina ma Kirsten ») : en écrivez-vous depuis longtemps ? Quelles difficultés particulières et quels plaisirs spécifiques y rencontrez-vous ? À quand un recueil ?

 

C’est étonnant que vous me disiez ça parce que je ne cherche pas forcément à écrire des textes érotiques. Excepté « Le Petit Porche » que j’ai écrit vers l’âge de dix-huit ou vingt ans, les deux autres textes sont des « commandes » récentes faites par des hommes. Dans ces trois écrits je me mets précisément à la place d’un homme mais c’est tout ce que j’ai écrit qui pourrait s’apparenter à de la littérature érotique, enfin il me semble. Alors est-ce mon écriture qui l’est? Je ne sais pas, je crois plutôt qu’elle est sensuelle. L’une de mes lectrices assidues m’a dit un jour que j’écrivais comme un « mec » parfois… j’ignore si l’écriture est sexuée, ce que je sais c’est que j’aime écrire et peu m’importe le genre pourvu que j’aie l’orgasme !

Quand j’ai écrit par exemple « Aminata » et « Kristina ma Kirsten », il a suffi que je me fasse homme comme un comédien se met dans la peau d’un personnage… Ensuite je me laisse bercer par la mélodie que j’entends : c’est rond, chaud, limpide, euphorisant, balancé comme un arpège que des images viennent rythmer naturellement sur mes mots. Il y a quelque chose pourtant que je ne peux expliquer dans mon acte d’écrire, c’est ce balancement d’alexandrins qui me vient naturellement de je ne sais où, si fait que malgré moi souvent, ma prose se fait poésie. Le seul et essentiel effort que j’aie à fournir réside dans la mise en situation, un peu comme une Alice pénétrant un monde à l’envers… Alors parfois cela peut durer des jours voire des semaines, le plus difficile étant de chasser les intrus qui m’empêchent d’entrer dans le terrier. 

Mais je retiens votre idée d’un recueil de nouvelles ou de poèmes érotiques… pourquoi pas en effet !

 

L’écriture de chanson : là encore, un type de texte particulier, connaissez-vous la musique ? Comment travaillez-vous avec les compositeurs et interprètes ?

 

À part mon aventure avec Julien Clerc qui fut un merveilleux cadeau du hasard puisque c’est en envoyant par mail mes deux textes que tout a commencé (Rio Negro et Marie-Louise dans l’album « Double Enfance » en 2005), je n’ai eu que très peu d’expérience avec des musiciens en ce qui concerne l’écriture de paroles de chanson.

Avec Julien Clerc ça s’est passé très simplement. Il a pris mes textes, a souri, a composé une mélodie puis me l’a faite écouter. Je me souviens du jour où pour la première fois nous avons écouté ensemble la maquette de Marie-Louise. Il était comme un petit garçon anxieux d’entendre mon avis. Moi j’étais juste profondément émue, touchée par le talent et surtout l’humilité de ce grand artiste. Je n’ai pas réalisé sur le moment que c’était mes mots qui étaient là dans sa voix. Mais j’ai aimé tout de suite sa mélodie. Pour Rio Negro, il avait déjà une musique qu’il avait mise de côté depuis longtemps et il lui a suffi d’y poser mes mots pour que ça colle. C’est la première fois que cela lui arrivait m’a-t-il confié. Depuis je continue d’écrire des chansons... J’en ai même concocté pour Jacques Dutronc et Johnny Hallyday qui, toute modestie mise à part, je trouve leur conviendrait bien. Mais depuis 2005, les ponts sont malheureusement coupés avec le milieu, sans doute en grande partie par ma faute, car je n’ai jamais su (ou voulu) tirer les sonnettes. Il faudrait que je m’y mette sérieusement, ou que j’engage un agent !

Au début j'écrivais des chansons pour moi sauf qu'elles n'ont jamais été mises en musique. Je ne suis pas musicienne mais il m'est arrivé de chanter dans le passé. J'ai fait un an d'art lyrique au Conservatoire de Rouen puis j'ai laissé tomber pour aller chanter dans les bars ou dans des collectifs de chanson. J'y interprétais Barbara, Brel, Ferré, Montand, Vaucaire, Nougaro, Sanson, Maurane, etc.

J’ignore si je suis vraiment faite pour être parolière. Par exemple je suis incapable d’écrire à partir d’une musique. En général j’écris un texte et le musicien y pose si c’est possible une mélodie. Mais je crois que mes textes ont déjà une musique en eux et que ça doit agacer les notes ! Alors parfois ça peut aller, parfois non. Enfin je n’ai pas le recul nécessaire finalement pour avoir une idée précise de ce qu’on peut en faire. En revanche, dernièrement un groupe bordelais et un artiste québécois d’origine suisse qui aime les blondes scandinaves à la folie ont mis des musiques sur deux de mes textes (« Coïtude » et « Kristina ma Kristen » ). Je n’ai pas encore pu écouter ce qu’ils ont composé. Mais j’ai bien hâte !

 

Quels sont les écrivains que vous affectionnez particulièrement ? Quel a été votre parcours de lectrice ? Veniez-vous d’un milieu où on lisait beaucoup ? Étiez-vous une enfant qui lisait beaucoup ou est-ce venu plus tard ?

 

Bon, bien sûr pour commencer et de préférence les Normands ! Non je plaisante mais j’ai une prédilection pour Maupassant qui comme moi s’est fait virer de son pensionnat d’Yvetot dans le Pays de Caux et où j’ai eu tout loisir de le découvrir… Flaubert aussi bien sûr, Balzac, Marguerite Duras, Virginia Woolf, Perec et puis plus tard John Fante et Raymond Carver et tous les écrivains de la Beat Generation. Mais bon pour le reste la liste serait trop longue.

Je suis issue d’une famille nombreuse où effectivement on lisait beaucoup. Il nous fallait même petits, toujours un livre pour aller dormir. Alors au début c’était soit des BD, soit des bouquins de la collection verte, ou des contes. Et puis un jour on m’a offert la Belle et la Bête et ça m’a ébloui. Après je n’ai pas cessé de chercher à l’être encore et toujours dans tous les livres que je trouvais.

 

Un coup de cœur littéraire récent ?

 

« L’histoire de l’amour » de Nicole Krauss qu’un ami m’a offert. Une jeune et talentueuse romancière américaine qui a obtenu pour ce roman le Prix du meilleur livre étranger en 2006.

Un roman magnifique comme un chant à trois voix, un puzzle où s’accrochent les pièces de trois personnages qui cherchent quelqu’un ou quelque chose. Quelque part à New York, Léo Gursky, un vieil émigré juif polonais qui attend la mort, vit dans le souvenir d’Alma sa femme disparue et de son fils qu’il n’a jamais connu. De l’autre côté de la ville, une adolescente nommée aussi Alma, cherche à surmonter la mort de son père en pensant trouver la solution dans le livre qu’écrit sa mère et dont l’héroïne porte le même prénom, et Zvi Litvinoff écrivain exilé au Chili en 1941, cherche lui aussi à ne pas oublier le passé. Ce qui réunit ces trois personnes, et bien d’autres, c’est « L’histoire de l’amour », l’histoire d’un livre qui a toute une histoire…

Nicole Krauss, pour étayer son puzzle et c’est en cela que le roman est aussi original, a utilisé dans la forme des styles littéraires très différents ― journal, poésie, confession, pages quasi blanches, etc.

Un roman à multiples facettes et au-dessus duquel plane l’ombre de Paul Auster, autre écrivain juif new-yorkais, adepte des histoires à tiroir. Très étonnant !

 

Et les autres arts ? Vous aimez la musique, le cinéma (il y a beaucoup de références à la Nouvelle Vague dans vos nouvelles), les arts plastiques (voir les illustrations de votre blog). Quels sont vos rapports à ces autres arts ? Amatrice éclairée ? Ou vous êtes-vous essayé à les pratiquer ?

 

Si je ne suis pas une amatrice éclairée en matière d’art, du moins je tente d’allumer ma curiosité en permanence.

Non, sérieusement, j’aime la musique bien sûr comme on a besoin d’oxygène. Indispensable ! Vital ! J’ai une prédilection pour le jazz, le funk, le blues, le bon vieux rock et Brahms… la chanson française aussi, enfin la bonne !

Quant au cinéma j’adore mais dans les salles ! La Nouvelle Vague oui, en particulier Truffaut, Rivette, Eustache et Chabrol ! J’aime aussi tous les films américains de l’âge d’or hollywoodien à partir des années 1930, le cinéma italien de Fellini, Visconti… Mon approche « pratique » du cinéma se restreint à quelques figurations par-ci par-là, notamment dans « Adieu Poulet » de Granier-Deferre avec Lino Ventura et Patrick Dewaere, « Le sang des autres » de Chabrol avec Jodie Foster, et puis plein d’autres dont un rôle mineur d’infirmière dans le « Urgences » québécois. Mais ce qui me reste comme le tournage le plus marquant, c’est ma très modeste participation dans le film de Brian de Palma « Snake Eyes » avec Nicolas Cage ! Observer et voir à trois mètres de soi un tel metteur en scène en action est une expérience extraordinaire et inoubliable !

De tout ça aussi, je suis nourrie quand j’écris.

 

 Pour finir, pouvez-vous commenter vos citations préférées :

 

« Je n’ai jamais écrit, croyant le faire, je n’ai jamais aimé, croyant aimer, je n’ai jamais rien fait qu’attendre devant la porte fermée. »

L’Amant, Marguerite Duras


« Oh la la, j’étais pas exactement un ange moi non plus, j’avais moi aussi l’âme qui faisait des nœuds et des faux plis, comme toute le monde. »

Demande à la poussière, John Fante

 

Ce que dit Marguerite Duras, je le ressens au plus profond de moi-même, vraiment. Comme s’il y avait quelque chose de raté quelque part… alors j’attends. Pourtant je rêve comme Bandini d’écrire « le roman de cette ville », même si j’ai « l’âme qui fait des nœuds et des faux plis, comme toute le monde ».