Mon combat de boxe avec Hemingway

 

Depuis quelque temps, un certain Joe Ghidetti avait fait son apparition dans le paysage mental du Gulliver. Il arrivait tout droit de N.D.Lay et c’est le docteur Schott qui me l’avait présenté :

― Mon petit, figurez-vous que cet homme a été le barman personnel du grand poète Rimasky.

Je dévisageai sans vergogne le type qui se tenait en face de moi. Il était vêtu d’un long cache-poussière, portait une moustache et des lunettes noires. Le bonhomme avait la dissimulation voyante. Je pris la main et allongeai mes références rimaskiennes :

― Le Soho, sur la Western Avenue ?

Il se coucha :

― Tout juste, l’ami.

Il parlait d’une voix au timbre voilé et avec un accent étasunien fortement prononcé.

« L’accent californien, avait précisé Da Silva, jamais en reste pour la ramener, je mettrais ma main à couper que l’animal a grandi à North Beach comme tous les ritalricains de la côte Ouest. »

 

Quoi qu’il en soit, Raoul Da Silva n’avait pas l’air d’apprécier le nouvel arrivant. Depuis que le barman de la Western Avenue traînait ses guêtres au Gulliver, lui, si prompt à jouer les entertainers, semblait se fondre dans l’anonymat et les Silvettes avaient disparu de la circulation.

Le docteur Schott avait son avis là-dessus :

― Raoul était jusqu’alors notre part d’exotisme. Avec son passé sud-américain et ses manières de demi-mondain, il nous ouvrait à l’altérité tout en restant profondément notre semblable. Ce Joe Ghidetti semble maintenant lorgner sur son pré carré. Et puis cet homme a été le barman personnel du grand Rimasky. Voyez-vous, mon petit, le narcissisme de notre ami fait de lui un envieux invétéré.

 

Toujours le même galimatias insupportable. À l’évidence docteur Mescouilles ne répugnait pas à l’analyse sauvage. Que ce type ait été choisi par le nez rose pour être son quasi-représentant sur terre me semble plutôt préoccupant pour l’avenir de l’humanité. On connaissait le risque de voir des malades mentaux gouverner downtown. Qu’un frappé soit l’interface divine de la création du monde nous faisait franchir un pas de plus vers l’horreur.

 

 

Édouard.k.Dive