Les stances, Alice, sont-elles un hymne à Nice ?

 

J’avais laissé s’évider ma relation avec Oneiros. L’OBNI et la bande à Legoff s’imposaient comme des intermédiaires incontournables. Je ne rêvais plus depuis longtemps. Mes nuits étaient plombées par le bonze à l’épine. Il grimaçait dans mon dos. C’est dans ce contexte légèrement chahuté que Joe Ghidetti réapparut dans le champ de mes préoccupations mentales. Je passais régulièrement à distance du Gulliver mais n’avais pas eu le courage depuis longtemps d’aller voir ce qu’il s’y tramait. 

 

Un jour, je vis l’ancien barman de N.D.Lay, devant la porte, adossé, les yeux cachés derrière une paire de Ray-Ban. Il avait à la main sa bouteille de Gentleman Jack qu’il vidait à petites gorgées. Il me vit. 

― Salut, mec. Comment va la vie du côté de la zone libre ? 

Il avait toujours ce fort accent californien et cette manière de parler « du type à la cool », pour employer cette expression un peu désuète qu’affectionnait particulièrement Raoul Da Silva. Quoiqu’il en soit, le Ricain semblait une fois de plus bien informé. Je décidai de me colleter avec le fin mot de l’histoire. 

― Je peux rentrer ? 

― Cher ami, vous êtes chez-vous. 

Il avait pris le ton et les manières un peu doucereuses d’André Legoff. Je souris. 

― Vous ne pouvez pas vous en empêcher…

Il hocha la tête.

― C’est bien pour ça que le doc m’a casé. Un truc comme « le syndrome du caméléon ». Vous autres, frenchies, vous avez la médecine imagée, rigola-t-il. 

 

Je ne comprenais pas : 

― Vous êtes suivi par le docteur Schott ? 

Il me regarda, l’air surpris. Mais l’était-il vraiment ? 

― Évidemment, mec. D’où tu débarques ? Ici on est tous suivis par le grand Sachem. 

Il émit un gloussement familier. 

― Mon petit, voyez comme l’ambiguïté de la langue française peut amener des rapprochements surprenants. Ainsi, c’est justement la caractéristique exacte de certains patients que de croire que leur psychiatre les suit. D’ailleurs, jeune homme, vous-même…

Il s’arrêta. Il avait repris sa tête de sale petit rital-ricain de mes deux. 

― Enfin, mec, tu sais tout ça, quoi… Il t’a casé aussi : la maladie de cadiK. Le doc est un fan de ce bon vieux Dikky. Il est capable de lire Ubik dans le texte. Tu savais ça aussi, non ?

 

Bien sûr. Tout ça je le savais. Et bien plus encore. Qu’est-ce qu’ils s’imaginaient, Ange Staboulov et toute sa clique ? Qu’au loin, au fond de sa grotte, se terrait la vérité avant-dernière ? Celle du cadiK ?

 

 

Édouard.k.Dive