Le hourvari du grand k

 

Lorsque le hourvari des deux corps emmêlés se tut, je pressai avec soulagement la touche stop de mon vieux Nagra. Ce boulot m’avait longtemps excité puis il m’avait juste amusé. À présent il me laissait carrément nauséeux.

 

Enregistrer des séances de baise pour le compte de l’OBNI, c’était mon job. Bien sûr, je ne me contentais pas de les enregistrer. Il fallait être à la hauteur de mes compétences de technicien en neurolinguistique appliquée aux coups tordus en tous genres. J’avais bricolé un appareil qui isolait, parmi les bruits divers, les items sonores sémiologiquement pertinents.

 

J’avais traduit pour mon employeur : vous n’aurez pas les bruits du matelas. Je traitais le tout à l’aide d’un logiciel fourni par l’OBNI himself, qui transformait toutes ces paroles bien cochonnes en bonne grosse bouffe directement assimilable par cet empaffé d’Être Rêveur.

 

Pendant plusieurs mois, mon employeur m’avait laissé dans l’ignorance de son identité. Depuis mon rendez-vous aux Ambassadeurs avec les défenseurs de la propriété intellectuelle, j’avais été repéré comme militant anti-Oneiros et les entartés avaient trouvé carrément bandant de me faire travailler pour eux. Fucking Men. La technique était au point. Ils s’étaient mis en cheville avec un patron d’hôtel adorateur du nez rose. Le type refilait la chambre sous écoute aux couples qui lui paraissaient avoir le feu au cul. Il faisait preuve dans ce domaine d’une rare clairvoyance.

 

Je logeais dans la chambre juste au-dessus. J’y avais installé mon matériel : un récepteur captant ce qu’émettait le micro espion, un enregistreur branché au récepteur et un ordinateur dernier cri. Cela valait du blé. L’OBNI avait des soutiens précieux.

 

Tout ça pour quoi ? Pour que le grand empaffé nous rêve un monde où on peut continuer à se la mettre bien profond et à se le faire savoir d’une voix congestionnée par la pression sanguine ?

 

Sans doute. Mais c’est cher payé des pratiques qui foulent au pied le souvenir de nos courses folles dans les coquelicots au soleil couchant.

 

 

Édouard.k.Dive