Écouter les anges

 

À cette époque, je sentis le doute s’installer dans l’esprit du docteur Schott. Étais-je ou n’étais-je pas celui que je prétendais être, un adversaire acharné de la Nommée Rose, la Grande Rêveuse ?

 

Moi-même, je n’en étais plus très sûr. J’avais tissé avec la tartignole des liens de moitié, pas finis mais tout en finesse, basés sur un intérêt réciproque pour les bruits de baise en format Vorbis et les noms oubliés. Je lui refilais discrètement, à la barbe des défenseurs de la propriété intellectuelle, de vieilles cartes de l’AOF et nous écoutions émus les bandes-son en version originale des films de Kōji Wakamatsu.

 

Notamment « Okasareta hakui » que nous passions et repassions inlassablement.

 

L’air était léger et nos ventres graciles ne cachaient pas encore nos pieds. L’avenir était à nous. Je pouvais choisir le camp d’en face ou camper dans la défense de la propriété intellectuelle. L’OBNI, connaissant mes relations privilégiées avec le Grand Sachem, m’avait construit un pont d’or. Du côté des Ambassadeurs, on en appelait à mon sens civique.

 

Puis le docteur Schott s’était enfermé dans le silence. Quant à moi, je n’ai jamais pu choisir mon camp. Je passai ma vie à suivre des fantômes. Ils se baladaient, des oreillettes fluorescentes fichées dans leurs pavillons auditifs. Qu’écoutaient-ils ainsi, les yeux vides et la démarche raide ?

 

Je ne sais pas.

 

Ma vie semblait interminablement défiler son code source : one-zéro-one-zéro-one.

 

 

Édouard.k.Dive