Ça s’aime et devant on récolte la tempête

 

Raoul Da Silva baffrait comme cinq ; des T-Bone steaks qu’il engloutissait cul sec, lors de soirées un peu spéciales. Je l’avais rencontré ce soir-là. C’était un ami du docteur Schott. Il me parla de son enfance à Buenos Aires et de son père, un émigré brésilien. À la terrasse du Gulliver flottait un parfum d’aventure. Dans la salle, un jazz band argentin interprétait Swing Troubadour. 

 

Le docteur Schott était ailleurs. Il semblait soucieux, nous fixant étrangement en sirotant un Cinzano on the rock. 

Il murmura :

― Ich weiss nicht, was soll es bedeuten, dass ich so traurig bin.

Je ne pus m’empêcher d’enchaîner :

― ...Ein Märchen aus alten Zeiten das kommt mir nicht aus dem Sinn.

 
Son regard se voila légèrement. Il semblait surpris. Il m’avait toujours considéré comme un linguiste un peu régressif, enfermé dans son laboratoire, l’oreille collé à son Nagra, perdant sa vie à écouter celle des autres. Il me l’avait dit un jour.

« Êtes-vous bien différent, docteur ? », avais-je répliqué.

Il avait souri : « Mais moi, je suis Dieu, c’est toute la différence entre nous. »

 
Dieu : « ...Ein Märchen aus alten Zeiten das kommt mir nicht aus dem Sinn. »

 

Dieu, Oneiros, le docteur Schott ou un autre, je m’en foutais un petit peu.

 

Ce qui comptait, c’étaient les droits d’auteur.

 

 

Édouard.k.Dive