Editions de l'Abat-Jour

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Dans les épisodes précédents :
Décidément, tout le monde veut la peau de Gotzbenglutz !

Étable en marbre...

« Pour faire une bonne fricassée à la Bolzaire, il vous faudra :
- 200 gr. de croûtons
- 1 navet séché
- 6 œufs durs
- 1/2 L. de vin Mariani… »

— Ah ça suffit, hein ? rugit le magnat des chemins de fer. J’en ai ras-le-bol de votre métèque. Vous allez immédiatement le ranger dans un placard.

Bougebouche mastiqua son canevas mental.

— On ne peut pas le dégommer pour le moment, confessa-t-il.

— Ah bon, pourquoi ?

— Parce qu’il a posé sa candidature pour le tournoi international de Combes-la-Buse.

— Et alors ?

— Alors la loi est formelle : les prétendants bénéficient d’une immunité totale durant la compétition.

Il secoua la tête avant d’admettre son manque d’anticipation.

— C’est un malin.

— Et vous, vous êtes un imbécile ! le médailla Bolzaire, hors de lui.

Sacrifiant à un luxe inouï, Bougebouche se servit un verre d’eau du robinet. La sécheresse qui, au départ, ne concernait que le sud du Labyrinthe, avait gagné les régions du centre.

— Il suffit d’attendre, sentencia-t-il en buvant à petit bruit.

Mais le magnat Bolzaire n’était pas du genre attentif.

— Qui a instauré cette loi stupide ?

— Oh, c’est une vieille tradition. Nous devons la respecter. Sinon les Hommes de Cuc ne comprendraient plus.

— Que viennent faire ces abrutis dans cette histoire ?

— À travers cette joute s’exprime une des plus grandes promesses de notre contrat social, expliqua l’autre. Quiconque remporte l’épreuve peut devenir le maître du Métapoly. Ainsi chaque individu peut théoriquement réussir. C’est le symbole même de notre modèle labyrinthique.

Le magnat des chemins de fer lui lança un regard oblique en forme de javelot. Il n’avait jamais spécialement porté Bougebouche dans son cœur, mais là : avec son petit ton cassant de donneur de leçon, il venait de remporter la timbale.

Dehors, le vent soufflait un peu. Tout le monde a bien le droit de faire une pause.

— À part jouer avec vos excréments, je me demande bien ce que vous allez faire de votre vie !

— Il paraît que je dois m’occuper d’antitexte, ironisa le maître.

L’ambiance, déjà fort tendue entre les deux antagonistes, venait d’atteindre des proportions abyssales.

— Vous êtes aussi confus que votre nom, déplora le magnat. Et quand je dis confus, l’adjectif est trop long…

Un garde se déplaçait devant la porte de l’Étable en faisant de grandes enjambées martiales. Il devait, à chaque pas, lancer sa jambe tendue à 90 degrés.

— Vous voyez ce loufiat ? questionna Bougebouche. Eh bien, ses gesticulations inutiles prouvent tout simplement qu’il m’obéit.

— C’est une menace ?

— Qui se sent morveux, qu’il se mouche ! conclut le maître en citant Molière.