Les Dits de N.D.Lay

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Je me suis réveillé ici. En ouvrant les yeux, j’ai vu le cahier de cuir rouge, à côté de mon lit, sur la table de chevet.
 

« Les Dits de N.D.Lay » par Jack Rimasky 


Je l’ai ouvert.
L’écriture était régulière et facile à déchiffrer. 


N.D.Lay.

J’ai débarqué ici muni de mon diplôme de linguistique appliquée en couches successives.
J’ai trouvé asile dans l’Inside City. Au White Swan. Un hôtel avec pignon sur rue, tenu par un Chinois égaré dans ce quartier à plusieurs lieues au sud de Little China. 

J’ai posé mon vieux Toshiba sur la table en bois, juste en dessous de la fenêtre de ma chambre. Il y a ici tout ce qu’il faut en matière de standard international et de boisson gazeuse pour me permettre de plonger dans le grand bain électronique.
Wang Kar-Li est le patron du White Swan, mais de l’Inside City à Little China, tout le monde l’appelle Charly Wang.
Le White Swan semble être pour lui une activité secondaire.
Je le vois souvent dans le hall de l’hôtel en grande discussion avec des « relations d’affaires ».
C’est l’expression qu’il utilise. Il dit ça comme un enfant pris en faute qui cherche à se justifier.

L’Inside City est un quartier à faire.
Un no man’s land avec un « fort potentiel de développement » comme le dit Charly Wang.
Lui-même s’y emploie. Avec une de ses relations, un certain Jimmy Jones, il a ouvert une alimentation spécialisée dans le tout-venant.

Pour ma part, je m’y approvisionne en boisson gazeuse et en chocolat noir. Pour le reste, je cantine à l’International Spy Foundation où je suis gardien de nuit. 


Je n’ai pas osé continuer. Je tremblai. Une peur panique s’est emparée de moi. Je me suis allongé sur le lit. J’ai fermé les yeux.

Dans la matinée, un type en blouse blanche est venu me chercher.
― Je vous conduis chez le docteur, m’a-t-il dit.
Je l’ai suivi. On est arrivé devant une porte. Dessus, il y avait un nom : « Professeur Ange Staboulov – Chef de Service ».
Le grand manitou. Il trônait derrière son bureau. De sa petite voix prétentiarde, il a congédié le type en blanc.
― Merci O’Flaherty, vous pouvez nous laisser.
Il m’a regardé quelques instants en silence puis il a pris la parole.
― Et bien mon vieux, on a cru vous perdre encore une fois. Quinze jours de délire enfermé dans votre chambre. À parler et à écrire. O’Flaherty et Wang se sont relayés pour vous surveiller.

Il a continué à parler. Du livre que j’écrivais :
― Vous savez, ce cahier avec la couverture rouge. On me l’a montré. Vous avez un certain talent. Vous devriez vous lancer dans l’écriture. Enfin, de façon consciente, je veux dire.
Il se mit à rire. Il parla de l’International Spy Foundation. O’Flaherty et Wang avaient suivi l’histoire au jour le jour. Il a parlé ainsi, longtemps. Puis on s’est quitté.
O’Flaherty m’a reconduit dans ma chambre.
― Vous vous souvenez de tout ce que vous avez imaginé ? m’a-t-il soudain demandé.
― Imaginé ? Non.
Il a hoché la tête.
― C’est bizarre, une fois vous avez parlé d’un certain Oneiros. Une sorte de divinité d’après ce que j’ai compris. Ça vous dit quelque chose ?
― Non.
― Eh bien cette chose, ce Oneiros, figurez-vous, Monsieur Rimasky, qu’un malade que j’ai rencontré il y a quelques années y faisait souvent allusion. Raoul Da Silva. Vous en avez parlé une fois pendant votre crise. Vous l’avez connu ?
― Non. Ça ne me dit rien.
Il m’a laissé dans ma chambre. Il avait l’air songeur.


Voilà.

Ce cahier est pour vous, Monsieur Da Silva. Je vais demander à un homme en qui j’ai confiance de partir à votre recherche. Il s’appelle O’Flaherty. C’est un homme droit. Cette histoire est mon histoire. Je m’appelle Jack Rimasky. Je suis enfermé à la clinique Sainte-Rose. J’ai des révélations importantes à vous faire sur l’origine du monde. Contactez-moi.

B
ien à vous. 



Édouard.k.Dive