Première séquence : Crevert
« Vingt ans plus tard, à Combes-la-Buse, le soleil clouait comme un tambourin Crevert, le célèbre
champion de Tépapoly, qui voyageait à bord du convoi express officiel. Il sentait certainement fort mauvais ; car il avait beaucoup transpiré dans le train. Évidemment, comme chacun le sait, les
piments de ces régions lointaines ne sont pas faits pour arranger les choses.
Lorsque le barman était passé de compartiment en compartiment, avec sa grande charrette dorée garnie de boissons fraîches, Crevert avait pris un bon verre de vin rouge. Puis il
s’était voluptueusement endormi sur l’épaule d’un des nombreux policiers replets qui l’escortaient.
Il fallait absolument qu’il soit en forme, car ce soir même, comme tous les vingt ans, il devait participer à la compétition internationale de Tépapoly. La durée du voyage lui
importait peu. C’était vraiment un évènement incontournable dans sa carrière de joueur ! Comme à son habitude, il descendrait à l’Hôtel Œdipe, où il avait réservé la spacieuse cellule KC-15, et
comme il n’avait ni bagages, ni dispositions à prendre, il se promènerait entre les colonnes du temple de Léopold II… »
― Stop ! Repassez-moi un peu le passage précédent…
― Lequel, père Fétiche ?
― Celui avec l’hôtel.
Cric crouic clac ! clac !
flap flap
flap flap
« …Bwwwwaiment un évènement incontournable dans sa carrière de joueur ! Comme à son
habitude, il descendrait à l’Hôtel Œdipe, où il avait réservé la spacieuse cellule KC-15, et comme il n’avait ni bagages, ni dispositions à prendre, il se promènerait entre les colonnes du temple
de Léopold II… »
― Stop ! Vous avez entendu ?
― Non, quoi, père Fétiche ?
L’Écholapsus :
« Ah ! Tu te fous du Colonel ? » disait André Blavier dans « Occupe-toi d’homélies ». Le
fétiche est certainement un des personnages-clés du texte. On pourrait presque le comparer à une sangsue.
Quant à moi, je vais vous tenir par la main et vous guider dans ce dédale.
― Mais la cellule KC-15, bougres d’amateurs, il avait pris la superbe cellule KC-15 ! Bon
alors, vous, Crochetrain, vous filez immédiatement à Combes-la-Buse, à l’Hôtel Œdipe, et vous me fouillez cette cellule de fond en comble, avant son engloutissement, compris
?
― Compris, père Fétiche.
Le père Fétiche rebondit comme une masse de gelée. Ce n’était pas à une vieille grimace qu’on apprendrait à
faire le singe !
Crevert déposa son lourd stylo noir et son idéalisme. Il lui fallait à présent
imaginer, je dirais même inventer, ce qui pourrait bien se trouver dans cette bête cellule.
C’était là le lot de tous les joueurs. Le principe de l’histoire devait être clair, on devait savoir qui était qui et qui faisait quoi.
C’était impératif pour la bonne « compréhension » des évènements.
Il réfléchit un instant, puis écrivit, le visage éclairé d’un sourire :
« Deux longs tours plus tard, Crochetrain était de retour. Il entra fiévreux dans le buvard du père
Fétiche. »
L’Écholapsus :
En écrivant père Potiche, on veut sans doute mettre en lumière l’inertie du personnage, sa soif
d’absolu et de vengeance, ainsi qu’une forme anodine du bavardage dont jouissait l’adulte avant que l’éducation ne le contraigne à une expression codifiée et
réglementée.
Père – patr – pater : figure du père, il s’agit également
d’un patron de bar ou d’un gabarit (en couture).
― Alors, dit ce dernier d’un ton suintant la pourriture, que se passe-t-il
?
― J’ai trouvé ceci, dit Crochetrain.
Et sous les yeux démesurément ébahis du père Fétiche, il jeta trois immenses photos de la belle Psychæ à moitié
calcinées.
L’Écholapsus :
C’est dans des moments pareils que les belles-lettres nous découvrent leurs
faiblesses.
Comme nous donnerions gros pour voir si ces photos sont
vraiment calcifiées !
Heureusement, dès maintenant,
vous pouvez compter sur moi.
Ensemble, nous allons débrouiller cette
affaire.
Si vous avez déjà réussi (car c’est une gageure) à déchiffrer le
premier mouvement de cet anti-texte, il sera parfaitement aisé de poursuivre en ma compagnie. Vous allez beaucoup m’aimer et souhaiter mes apparitions. Ce qui est impérieux, c’est que tout soit
limpide.
On doit savoir qui fait quoi, et aussi à quel moment se passe
l’action.
Georgie de Saint-Maur
Quels secrets renferme le Tépapoly ? Le père Fétiche est-il sur une piste ? Que veut Crevert ? Les photos de la belle Psychæ sont-elles oui ou non
calcifiées ?
L’Écholapsus est-il vraiment votre ami ?
Écho n°1, par Georgie de Saint-Maur
:
Bonjour à toutes et à tous. Voici le moment crucial du démarrage. Faites vos commentaires. Posez vos
questions. Le texte grandira avec vous.
Écho n°2, par S.C.S. :
Cher Georgie,
Donc, Crevert s’invente et pense ― ou plutôt laisse
dire à l’Écholapsus ce qui pourrait être logé dans le fouillis de ses pensées. De l’Écholapsus naîtra l’accident qui apportera la matière de son histoire… ?
Le père Fétiche : invention et synthèse ?
Écho n°3, par Georgie de Saint-Maur :
Bonjour, cher SCS,
Pour répondre à votre commentaire, je
commencerai par vous féliciter.
Bravo pour avoir pris le temps de lire la première séquence. Bravo pour avoir émis un
avis.
Félicitations à vous, à votre famille, à vos amis...
Le fait est que nous disposons d’ores et déjà de protagonistes, le père Fétiche, bien sûr, mais également l’Écholapsus et
Crevert.
Je vous remercie d’avoir si vite « déjoué » le petit piège et d’avoir si finement décrit le rôle de
l’Écholapsus.
Il faut savoir que toute cette histoire est extrêmement compliquée et que la plupart des acteurs sont
morts.
(Si vous souhaitez continuer cet entretien, veuillez reformuler un commentaire)
Écho n°4, par S.C.S. :
Cher Georgie,
Quelle promptitude, bravo ! Il me serait
très plaisant de continuer cet entretien mais sachez que déjà vous m’avez (nous avez) donné de riches indications. Je vais attendre qu’un de vos innombrables lecteurs se fende de propos
judicieux pour à nouveau intervenir. Des questions qui pourraient mieux situer votre histoire : lieu, temps, couleur de peau, longueur de poils... Enfin, des choses qui éclairent... Merci pour
toutes vos gentillesses, je ne manquerai pas d’en faire part à toute ma famille ainsi qu’à mes amis...
Écho n°5, par Philippe Sarr :
Cher Georgie,
Ne me fétichez (oh pardon, fétichisez, euh...
félicitez !) surtout pas pour mon écholapsulaire intervention !
Ne
s’agit-il pas, hélas, ou tant mieux, de l’un de c(es)reverts calciniants pour ce pauvre hère champion de Tépapoly à la cheville sous-oedemateuse, ce sans su(ppot) de Satan, voyageur impénitent
anti-toux et anti-rien, se promenant, alangui, d’autels en autels ? Merci de bien vouloir répondre !...
Écho n°6, par Raoulet
:
C’est quand même assez évident, on est dans une entreprise de type roussellienne : UN SACRIFICE DONT LES
MOTS SONT LES VICTIMES
Le temple du Soleil en quelque sorte, où un mot en entraîne un autre dans sa chute, selon une
logique de don / contre-don : on doit sacrifier les mots (leur SENS), les faire tomber comme des dominos (selons les « lois » de l’attraction morpho-phonématique bien connues d’un
Leiris) pour que le Soleil continue à BRILLER (c’est-à-dire : que le récit puisse SE REGENERER).
Je prévois donc que
Crevert se fera in fine bourrer de drogues psychédéliques avant de se faire arracher le cœur (textuellement s’entend) en haut de la pyramide (le chapitre final du
feuilleton).
(je comprendrais tout à fait que l’auteur ne commente pas ce genre de déclarations, voire que ce
commentaire un peu trop dévoilant se fasse censurer)
Écho n°7, par Georgie de Saint-Maur :
Cher Philippe, difficile de ne pas vous féliciter.
Votre
intervention est ravissante et le voile d’acier, qui était censé recouvrir le sens du récit, vient d’être soulevé jusqu’au porte-jarretelle. J’apprécie beaucoup (énormément), votre brève
incarnation écholapsulaire, et je souscris sans trembler à votre interprétation.
Anti-toux ― anti-rien. Voilà une belle
part du gâteau dévorée alors même que nous n’en sommes qu’au premier épisode. Je pense que vous...
(Si vous
souhaitez continuer cet entretien, veuillez reformuler un commentaire)
Écho n°8, par Georgie de Saint-Maur :
Cher Raoulet, votre sens de la divination me submerge !
Tout est
dit ! Les mots sont les victimes de Michel Leiris (à qui je rends hommage en passant). Le temple du coup de soleil nous ramène à Zorrino petit renard, fils de Zorro, qui va jouer sous peu un rôle
qui vous étonnera. Je vous félicite, en tant que devineur, et je ne saurai traduire le bien-être dans lequel m’a plongé votre intervention. Les dominos (eux-mêmes un jeu), ne sont pas bien loin
du Tépapoly et je pense...
(Si vous désirez poursuivre cet entretien, veuillez reformuler un
commentaire)
Écho n°9, par Maréchal Sobutsu :
De même qu’il ne faudrait pas
Prendre la si sagace
Oenone
Pour une nymphe un brin sympa
Faire de
Crevert ponte à Danone
S’rait comme dirait l’autre
Chié !
Mais ça gave un rien
Che !
Ce cénale de salonards lacaniens
Qui font rien qu’s’triturer
leur gross’ théièr’
mitée
Mitte !
La pair’ blanche de
globes qui luit sous la lune.
Écho n°10, par Maréchal Sobutsu :
L’oubli du « c »
Vaut caducée (cas Dusé)
;
Sénile cénacle
Fait
« cénal »
Fesse et n’
haltérophile pas mon propos.
Écho n°11, par Georgie de Saint-Maur :
Cher maréchal Sobutsu, permettez-moi de vous féliciter.
Il n’est
pas facile d’oublier le « c » de cénacle.
Tout ce que vous avez osé écrire est, malheureusement, vrai. Je vous
prie de bien vouloir me pardonner.
Le sexe, la drogue, la violence qui émanent du Père Fétiche ne sont pas de mon
ressort.
Je préfère les fameux compliments d’André Roubieux.
Ce qu’il faudrait à la Nation, c’est un nouveau Danton. Quand bien
même...
(Si vous souhaitez poursuivre cet entretien, veuillez reformuler un commentaire)
Écho n°12, par Georgie de Saint-Maur :
Le Père Fétiche, nouvel Inca, brandit le couteau sacrificiel. Que cet anti-texte soit anti-tout ou anti-rien n’a d’importance que pour le vecteur. Les
questions qui surgissent par-dessus vos têtes, comme des points d’interrogation, seront les réponses qui changeront la matière grise en matière à réfléchir.
Je vous attends. Je vous espère...
Écho n°13, par L’azur des détritus :
Lu hier, en portant le
courrier à la poste, les dépêches de l’agence Havas. Les bourses de plusieurs capitales fermées, l’Angleterre en passe d’être ruinée, des troubles un peu partout. La faillite de l’Occident
s’accuse de plus en plus ; c’est la fin de l’ère chrétienne. (…)
Satané climat ; il fait une humidité à
tout casser. (…)
Nous buvons le café. Il fait un peu chaud et je n’ai pas de veste. Je porte un maillot de polo jaune
citron, assez léger. Comme d’habitude, je bombe le torse, je creuse le ventre, je fais des gestes inutiles avec mon chasse-mouches. J’affecte une souveraine indifférence à tout ce qui peut
arriver. J’incarne un personnage d’apparat. (…)
Moins nécrophages que je ne croyais, ces gens n’ont pas déterré les
cadavres. (…)
Dans ses papiers, quelques « procès-verbaux de coït ». (…)
Il y a une charmante maîtresse d’école. Pull-over jaune d’or sans manches, jupe citron, petites chaussettes roulées. Cheveux noirs coupés
droit sur les sourcils. Bouche sanglante. Petit air sage de fille perdue échouée on ne sait d’où mais qui tient à refaire sa vie. (…)
Je mesure l’ingéniosité infernale qu’il va falloir déployer pour arriver à un minimum de réadaptation.
Michel Leiris, L’Afrique fantôme, 1934
Écho n°14, par Guy :
Le Fer pétiche au nouvel an, caban au coude et vache qui rit, s’enfile une anisette, de l’anti-pou, un rien de rance avec le facteur. Les
serpents qui sifflent sur leurs têtes, comme un point d’interrogation, lâchent des étrons qui immaculeront la face de l’amateur.
Écho n°15, par Georgie de Saint-Maur :
Cher azur, merci pour cet extrait.
Écho n°16, par Georgie de Saint-Maur :
Cher Guy, permettez moi de vous féliciter.
Merci d’avoir
invité ces serpents cagueurs et une certaine forme de limpidité qui convient si bien aux agissements du Père Fétiche.
Écho n°17, par Dominique :
Cher Georgie,
Vous me prenez par les sentiments. Qu’à cela ne
tienne, parlons donc de ce père fétiche...
Limpidité nous dit le père fétiche est
le mot clé de cette histoire.
Et ce n’est pas cet Écholapsus qui nous contredira
sur ce point.
Mais quels sont les pouvoirs magiques de ce
fétiche ?
Ces pouvoirs lui permettront ils de voir ce qui se trame en
KC-16 ?
Crochetrain, ce faire-valoir du Père Potiche, est un indice-né et de
taille !
Le père Fétiche saura t il en jouer ?
Tant de question dans la tête du lecteur cher Georgie, pourriez-vous éclairer ma lanterne ?
Suis-je sur la bonne voie en venant chercher chaque semaine la lumière aux éditions de l’abat jour au travers de vos écrits et de ce père Fétiche qui est déjà notre père
« gri-gri » ?
Merci.
Écho n°18, par Georgie de Saint-Maur :
Chère Dominique,
Permettez-moi de vous féliciter. Oui, Crochetrain
est un faire-valoir. Oui, l’Écholapsus ne contredira jamais personne.
Malheureusement vous vous êtes trompée de séquence
et vous avez placé cotre commentaire dans celle de la semaine passée : « Crevert »...
Il fallait choisir :
« Crochetrain ».
Merci, en tout cas, de votre avis éclairé par la lanterne de votre fidélité et de votre
gentillesse.