Editions de l'Abat-Jour

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Dans les épisodes précédents :
Bolzaire a été jeté dans le Trou du Duc.
Bougebouche est mort d’une overdose de dopaïne.
Crevert doit avertir le père chétif.

Conversation téléspéculaire…

Un petit cylindre de cristal rouge se mit à clignoter dans le maillot de Psychæ.

— C’est quoi, ça ?

— Ben, c’est mon téléson.

— On peut communiquer grâce à lui ?

— Vous venez de sortir d’un coma prolongé ?

— Non, mais d’habitude j’utilise les miroirs.

— Ah, oui ! Comme la méchante reine dans Blanche-Neige.

— Appelez-moi le père chétif !

— Pourquoi voulez-vous que je vous appelle comme ça ? Vous en avez marre de vous appeler Crevert ?

Le nain jaune haussa les épaules et empoigna le cylindre.

— Comment ça marche ? s’énerva-t-il.

L’inspectrice artificielle appuya sur la touche d’allumage.

Très loin de là, la belle Psychœ venait d’enlever ses habits pour être plus à l’aise.

Le miroir s’alluma et la tête de Crevert apparut.

— C’est moi, boss.

— Excusez-moi une seconde, dit le père chétif.

Le nain jaune avait identifié, sans erreur possible, le tatouage sur le fessard généreux qui dépassait du chambranle de la porte.

Il n’en laissa rien paraître.

— C’est pour vous prévenir que Bolzaire et Bougebouche dansent le paso doble à l’horizontale, dit-il.

Le père chétif tourna de joie comme un lion dans une cage d’ascenseur.

— Dézingués ? Tous les deux ?

— Ouais, boss. Bougebouche planait mais il ne s’envolera plus, et Bolzaire a rejoint les chiottes. Il mangent en duo des racines de dents-de-lion (1).

Le père se pourlécha les bobines (jeu des 7 erreurs), une giboulée de joie saupoudrait son âme.

— Nom de Cuc de nom de Cuc ! blasphéma-t-il horriblement. Et vous avez le plan ?

— Pas encore.

— Ah, bon ? Qu’est-ce que vous attendez ?

— Je ne suis pas comme ce miroir, boss, je réfléchis.

— Vous n’êtes pas payé pour réfléchir.

Crever ménageait ses effets.

— Qui sera le successeur de nos deux oiseaux ? Voilà, n’est-ce pas, tout l’intérêt de posséder le plan du Labyrinthe.

— Vous choisissez mal votre camp, le nain.

— Si le plan était soudain à vendre, l’achèteriez-vous ?

— Tout le monde veut ce plan. On s’inquiète à la Convention. Bougebouche, lui, n’était pas un faux-jeton.

— Bah ! Le monde de la littérature et le monde de l’antitexte s’apprivoiseront peut-être.

Le père chétif n’avait rien vu venir, mais là, le franc venait de tomber dans la soupe.

— Vous finirez dans une cellule puante, prédit-il, avec des Hommes de Cuc moisis pour vous acculer.

— Voyez-vous, boss, Bougebouche avait raison. L’antitexte doit voler, c’est sa raison spécifique. Le vol, devenu légal, se généralisera. Je serai là pour arrêter les voleurs et gravir les marches qui mènent au sommaire. Tel Robespierre, je serai le héros du Métapoly.

— Son héros ? Un fou dangereux, oui.

— Je suis le genre de fou qu’on fusille dans toutes les tyrannies, boss.

— Arrêtez de m’appeler boss ! Vous êtes relevé de vos fonctions.

— Peut-être, alors disons que je continue à compte d’auteur.

— Je vous promets de vous dégoûter de l’antitexte à vie ! L’agent Psychæ est avec vous ?

— Juste à côté.

— Passez-la-moi et n’oubliez pas : ne vous mettez jamais en travers de mon chemin de croix.

— Inutile ! cria Psychæ. Je rends mon sablier. Je ne bosse plus pour la police des bons.

Le père chétif brisa le miroir d’un coup de poing rageur.

1 Inspiré par les propriétés diurétiques de cette plante, son autre nom de « pissenlit » est attesté dès le XV^e siècle.