Position 18

Publié le

​​ ​    ​ VOIR TOUTES LES POSITIONS


Dans les épisodes précédents :
Coup de théâtre : nos deux agents spéciaux, Psychœ et Crevert, ont dû remonter à bord du train 1069 en urgence.
Pendant ce temps, ça barde au Palais des progrès !

Palais des progrès...

Il y avait un nombre incalculable de gens. Toutes couches sociales confondues. Les Hommes de Cuc avaient rangé leur supprequin au vestiaire et leurs yeux reflétaient le diamètre du soleil.

Estime et cætera… salua le conseiller juridique Sapignac.

Bien sûr, négligea le président Varquin.

À la tribune, debout comme un damné de la terre, le maître du Métapoly humectait sa bouche avec un verre de vin mêlé d’eau. Était-ce un signal qu’il envoyait à l’assistance ?

J’ai ici une offre à 990 000 ! annonça-t-il. Une plaisanterie truffée de morceaux d’antitexte à 990 000, qui dit mieux ?

Un million ! beugla le président Varquin.

Vous êtes dingue ? s’affola Sapignac.

Si le Rescrit passe, nous serons bien contents d’en avoir, se justifia l’autre.

Une chaleur torpide étouffait les lieux.

On m’accuse d’autoritarisme, poursuivit le maître, de despotisme et de bien d’autres saloperies en « isme ». Aussi vais-je donner exceptionnellement la parole à la base.

Tout cela engendrait un sérieux mortel.

Bougebouche a toujours eu des problèmes avec le rire, déplora Varquin.

Des problèmes ? Vous voulez dire en plus de ses suppositoires ?

Un représentant des Hommes de Cuc prit la parole :

Nous, les Hommes de Cuc, nous sommes tout juste bons à nous esclaffer sans rien comprendre. Personne ne prend la peine de nous expliquer. Tout nous passe au-dessus de la tête : le second degré ; l’humour anglais ; la politique des pots-de-vin ébréchés et des dessous de table bancale…

Telle une incarnation de Robert Macaire, le magnat des chemins de fer s’empara violemment du micro :

C’est la loi du labyrinthe, martela-t-il, crache ou rêve !

Vous voulez passer d’un rire public à un rire privé ! hurla, en postillonnant, le jurisconsulte Sapignac. La population ne vous laissera pas faire.

La foule des représentants s’écrasait le nez de colère.

Sapignac écumait. Son visage était moisi.

Combes-la-Buse va se recroqueviller sur elle-même, le changement humoristique transformera complètement notre Labyrinthe. Il sera très difficile d’y vivre.

Me suis-je plaint lorsqu’il n’y avait plus de charbon dans le tender (1) ? interrogea Bolzaire. Non ! Je m’en suis sorti contre champs et carrés.

Bougebouche coupa le micro.

Vous êtes complètement cinglé ? haleta-t-il. Ils vont nous lyncher !

À cette époque, mes trains étaient encore en silex, jeune freluquet. Je vous parle d’un temps que les moins de… quel âge avez-vous ?

Mais fermez-la donc, vieux bouc ! Vous ne voyez pas que le public n’est pas au rendez-vous ?

Le public ? Mais on s’en fout du public !

Vous voulez vraiment faire rire en privé ? s’ahurit Bougebouche. Mais comment ?

En sciant habilement l’arbre de Jessé (2), expliqua Bolzaire avec des yeux fous. 

Une idée traversa l’esprit de Bougebouche comme la comète de Halley peut traverser l’espace. Le public était-il composé d’authentiques Hommes de Cuc ?

 

1 Le tender est un wagon qui suivait une locomotive à vapeur et contenait le combustible et l'eau nécessaires.
2 L’arbre de Jessé est l’arbre généalogique de Jésus.