Editions de l'Abat-Jour

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Dans les épisodes précédents :
Bougebouche est donné pour mort, mais c’est loin d’être le cas.
Varquin et Sapignac échafaudent de nouveaux plans.

Caveau Marengo...

— C’est raté, dit le président Varquin.

— Que comptez-vous faire ? interrogea Sapignac.

— Tout d’abord, goûter à un de ces merveilleux rouges. On ne sera pas venus pour rien.

— C’est le prix de consolation ?

— N’insultez pas ce Mollard (1).

— Il ne fait pas très chaud, déplora Sapignac.

— Le caveau affiche les quatorze degrés réglementaires, répondit Varquin à travers les glouglous du vin Mariani.

— À la vôtre !

— Je vous réciproque vos bons vœux.

Les deux conspirateurs savourèrent le breuvage en silence.

— J’ai pensé à une bombe, murmura comme pour lui-même le président. Adieu, petit Bougebouche, bonjour Maître Varquin !

Sapignac croisa les jambes comme on croise les doigts.

— Il faudrait que quelqu’un d’inattendu place la bombe.

— Quelqu’un qui ne serait pas un Personnage du roman, dit Varquin.

Le conseiller juridique avala une gorgée de nectar d’un air inspiré.

— On va les enfumer ! proposa-t-il. Si je vous disais que lors d’une assemblée de la Convention, un des membres a averti les autres de son haut potentiel en leur disant : « Il faut que vous sachiez que je suis beaucoup plus intelligent que vous. »

— Ce n’est pas très malin, observa le président.

— Et il a ajouté : « Vous devrez tous admettre que je suis l’élu. Tous ceux qui ne seront pas d’accord avec moi seront exécutés ! »

— Quel est l’imbécile qui a dit ça ?

— Bougebouche.

— Bougebouche ? Il a dit ça ? exulta Varquin. Mais c’est génial, Sapignac.

Il se leva de son siège et arpenta la pièce en faisant de grands gestes et en se frottant les mains.

— Il est foutu ! C’est un véritable suicide politique. Quel crétin ! Il ne s’en relèvera jamais.

Un temps s’écoula lentement et, soudain, ses sourcils se plissèrent et ses yeux se froncèrent.

— Mais quand a-t-il dit ça ? Interrogea-t-il. Je ne l’ai jamais entendu.

— Personne ne l’a jamais entendu dire ça, sourit Sapignac, je l’ai inventé.

1 Le Mollard est un cépage noir très ancien.