Position 20

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Dans les épisodes précédents :
À bord du train, Psychœ a fait imprudemment des confidences à l’inspecteur Crevert.
Ce dernier fait semblant que ça ne compte pas.

Conversation téléspéculaire...

Dès que Psychœ fut sortie du compartiment, Crevert délogea un miroir de poche.

Sans surprise, ce qui servait de tête au père chétif y apparut.

Alors, quoi de neuf ? interrogea stupidement ce dernier. Tout va bien ? Quand allez-vous nous débarrasser du maestro ?

Le maestro de mes fesses, répondit Crevert. C’est un pote à Bolzaire.

Oh, oh ! Vous êtes bien renseigné, se méfia soudain le père.

Psychœ m’a tout expliqué.

Ah ?

Que savez-vous exactement à propos d’elle, boss ?

Elle essaie de se faire connaître comme nymphomane.

Crevert plaça son menton dans sa main.

Bolzaire vous fait de l’ombre, bosse [jeu des 7 erreurs], il vous gêne aux entournures. C’est pour ça que vous m’envoyez buter Bougebouche.

Il ne faut pas vous torturer la lessiveuse comme ça, le nain. C’est mauvais pour le couvercle.

De toute façon, je ne comprends pas votre tactique. Que le maître soit Bougebouche ou Tartempion, de toute façon le magnat restera aux commandes.

Justement. Ce sera peut-être sa dernière commande, et je compte sur vous pour aller la lui servir à sa table.

Ah ça, quand il y a une mission dont personne ne veut, vous savez où me trouver.

Cette fois, c’est différent. Il paraît qu’il va passer l’arme à gauche. Le rire va enfin revenir dans le roman.

Crevert se perdit en conjectures, comme saint Jean le Baptiste l’avait fait à propos du nombre de voiles d’une danseuse.

Vous en êtes réellement sûr, boss ? Parce que ça fait déjà un bon moment que plus personne ne rit.

Écoutez, le nain, le Lecteur rigole déjà quand une couille de cocu dépasse d’un slip kangourou.

Ah bon ?

Le rire… soliloqua le père chétif, tel Marc-Antoine à la victoire de Pharsale, mais le Lecteur n’en aura jamais assez. Il veut se marrer tout le temps, le Lecteur. Se poiler ad libitum.

Peut-on rire de tout, tout le temps, et avec tout le monde, boss ?

Le père chétif fit tourner ses rotules dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Les questions de ce nabot stupide commençaient tout doucement à les lui briser menu.

Je vais vous confier un secret, le nain : le Lecteur ne peut pas s’arrêter… vous savez pourquoi ?

Ma foi, non, avoua Crevert sans remords.

Parce que ça signifierait la mort de la joie et, donc, la mort de son bonheur. Le bonheur et la joie copulent à même le sol, comme des bêtes, et se fécondent sans s’interrompre. Voilà la réponse du Métapoly aux questions anxiogènes sur le sens de la vie.

Vraiment ? entrevit l’autre dans une fulgurance.

Le Lecteur veut continuer à rire… parce qu’il s’amuse bien.

Il s’amuse bien ? claironna Crevert, ahuri. Vous croyez ?

J’en mettrais ma bosse à couper !

Tandis qu’il cherchait une hache des yeux, les pensées du nain jaune plongèrent dans des abîmes d’insinuations, comme un nageur qui saute du haut de la falaise de Quebrada. Le roman était super chiant, comment serait-ce possible ? Le père chétif devait avoir le cerveau rincé…

Notre belle Psychœ revint, précédée d’un parfum excitant. Crevert coupa précipitamment le contact.

Alors, inspecteur, comment vas-tu dézinguer Boubouchka ? demanda-t-elle en lissant son maillot slave.

T’en fais pas, j’ai de la réserve.

Le barman-robot déboula dans leur compartiment.

En parlant de réserve, il y a gros à parier qu’ils n’ont toujours pas de Mariani.

Qu’est-ce qu’on fait, demanda Crevert, on tente l’aventure ?

On peut toujours, hocha Psychœ.

Deux rouquins ! commanda-t-il.

Sur glace ! ajouta-t-elle.

Ce train-train familier, cette ambiance… Crevert ne pouvait pas se départir d’une sensation de déjà-vu.

C’est là que Psychœ enleva ses habits pour être à l’aise.

J’ai beaucoup étudié les amnésiques, avisa-t-elle sans la moindre raison, et je n’ai jamais rien retiré de cette analyse.

Rien de rien ?

Non. En tout cas, rien de mémorable.