Position 53
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Dans les épisodes précédents :
Le maître du Métapoly a éliminé le magnat des chemins de fer.
Autrement dit, Bougebouche a descendu Bolzaire.
Étable ronde…
— Halte ! Qui va là ? douana l’inspecteur Crochetrain.
— Ah, voilà Cerbère. Pluton est là ?
Crochetrain arma son petit supprequin de service. Allergique à la mythologie, il était prêt à stopper ce couple.
— Entrez, messieurs. Je vous attendais, déclara Bougebouche, la main tendue.
— Madame oiselle, rectifia Psychæ.
— Oui, mademoiselle, pardon. Mademoiselle… ?
— Psychæ, police des tondus.
— Des fondus, voulez-vous dire ?
— C’est kif !
— Excusez-moi, prétexta Crevert, mais je me suis luxé la pogne.
Le maître rengaina sa poignée de main.
— Vous, je vous reconnais. Vous aussi, vous êtes de la police des détraqués.
— J’étais déjà venu une fois pour la bombe, admit le nain jaune.
Bougebouche lui adressa une formule de reconnaissance.
— Asseyez-vous, je vous en prie.
Puis, se tournant vers Crochetrain :
— Vous pouvez nous laisser, inspecteur.
Celui-ci s’esquiva de mauvaise grâce.
Bougebouche déboucha cordialement une bouteille de pinard et servit trois verres coruscants.
— C’est Bolzaire qui a demandé à me voir, expliqua Crevert.
— Oui, oui, je suis au courant, répondit Bougebouche en souriant bizarrement, mais je crois qu’il ne pourra plus jamais recevoir personne à présent.
Un lourd silence battit des ailes comme un vautour.
— Vous avez supprimé votre chef ? Vous avez flingué le magnat des chemins de fer ?
— Hahaha, elle est bien bonne ! Vous êtes vraiment un Personnage, vous.
Crevert ne desserra pas les dents. Son regard lancinant pivotait comme un phare.
— Et qui diable vouliez-vous que je supprime d’autre ? Vous savez, des magnats du chemin de fer, je n’en connais pas dix mille.
— Comment avez-vous fait ?
— Sans vouloir m’étendre, il avait un destin d’étron.
Crevert frappa dans ses mains comme un public de plateau.
— Alors bravo. Cette fois, il n’y a plus personne devant vous. Vous avez le Métapoly pour vous tout seul.
— Comment trouvez-vous ce vin ? demanda Bougebouche.
— On dirait du jus de chiottes, grigna Crevert.
— Hahaha ! Toujours le mot pour rire. Vous êtes vraiment un Personnage !
Un Homme de Cuc pénétra dans la pièce :
— On vient d’apporter ceci pour vous, Maître.
— Ah, mes suppositoires de dopaïne ! Vous permettez que je m’absente un instant ?
Et, sans attendre leur bénédiction, il disparut derrière une lourde tenture de soie.
— Je ne plaisantais pas du tout, marmonna Crevert en contemplant son cépage d’un regard méprisant.
— C’est quoi la dopaïne ? s’enquit Psychæ qui, nouvellement arrivée dans le quartier, cherchait à s’instruire.
— C’est un alcaloïde psychotrope. Ce mec est défoncé comme une barrique et il a la rondelle béante.
Psychæ vibra un peu. Elle était assez sensible à la crudité.
— Mais pourquoi des suppositoires ?
— Parce que la dopaïne est métabolisée dans le foie.
Psychæ branla la tête de plaisir. Décidément, ce Crevert l’épatait.
Il la troussa comme un lapin.
— Ce n’est pas facile de vous expédier en se mangeant la tête avec Psychœ. Je me demande comment font les autres.