Le maître du Je

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Charly Wang ne quitte plus le White Swan. L’affaire Jimmy Jones l’a rendu méfiant. Je l’ai rencontré ce matin à la réception de l’hôtel :
― Alors mon ami, me dit-il, vous non plus ne croyez pas à la culpabilité d’Ardberg ?
J’ai haussé les épaules.
― Ce que je crois n’a pas beaucoup d’importance. L’affaire est close, non ?
― Bien sûr, a-t-il répondu, de toute façon Jimmy Jones a disparu de la circulation. Il a sans doute repris son travail de barman, a-t-il souri, vous devriez peut-être aller faire un tour au Soho.

Était-ce une boutade ? Je ne crois pas. Le Chinois semble tout savoir sur le passé de son associé et sur le mien.
Je me suis rappelé cette remarque qu’O’Flaherty m’avait faite un jour.
― C’est bizarre, je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu parler de Jimmy Jones avant ton arrivée.

J’ai voulu en avoir le cœur net :
― Jimmy Jones était-il votre associé depuis longtemps ?
Charly Wang a semblé réfléchir.
― Faites-vous l’âne pour avoir du son ? a-t-il fini par lâcher. C’est l’expression utilisée dans votre langue, n’est-ce pas ?
Il paraissait content, comme à chaque fois qu’il pouvait montrer qu’il n’était pas qu’un Chinois inculte et affairiste.
― Bien sûr que non, a-t-il répondu lui-même, Jimmy Jones est arrivé peu de temps avant vous. Il vous attendait, je pense...
Il a hésité, comme s’il avait peur de trop parler.
― Comme dit ce cher Staboulov, c’est dans l’ordre des choses.

L’ordre des choses...
Mais nom de dieu, aux ordres de qui sont les choses ? 


Édouard.k.Dive

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