Episode 10 : La prière
Flambé repose le crâne sur le coin du bureau d’une main tremblante. Il jette un regard inquiet vers la porte du bureau. Non, on ne devrait pas le surprendre, il a donné des consignes. Quoique la dernière fois, ce primate de gorille a laissé entrer Éros. Tant pis ! De toute façon, il est habitué au ridicule.
Il s’agenouille devant le crâne et psalmodie :
— Ô esprit du politihomo, aide-moi ! Ô grand singe défunt, viens en aide à ton cousin ! Ô muse masculine, museau, inspire-moi ! Aide-moi à trouver les mots charmeurs, les mots touchants pour convaincre les électeurs. Juste pour ces élections. Que je sois ensuite peinard cinq ans. Ô…
La porte s’ouvre. Flambé se relève d’un bond en glapissant. Sa compagne entre, les yeux écarquillés. Elle porte un régime de bananes.
— Comment es-tu entrée ? s’écrie-t-il.
— J’ai dit au gorille qu’on le demandait dans la pièce à côté.
Deux cent vingt kilos de muscles, la puissance de feu d’un porte-avions, c’est bien, songe avec colère Flambé, mais plus de neurones eût été préférable.
— Que faisais-tu à genoux ?
— Euh… Des étirements.
— Moi, j’aime quand tu es raide, minaude-t-elle.
— Euh, pourquoi ces bananes, ma guenon d’amour ?
— Pour fêter ton élection, mon mâle dominant. Et élection, ça rime avec quoi ?
— Je ne vois pas.
— Tu n’as qu’à changer une lettre, mon étalon poilu.
— Je n’ai pas la tête à la poésie. Merci pour les bananes, mais je suis au régime, pour donner l’exemple à mes ministres. Pinpin, le ministre de l’Emploi Assisté et de la Déformation Professionnelle, il faudrait abréger son titre qui est grotesque, on dirait un ours. Et pas qu’à cause de ses poils et de son caractère. Je l’ai choisi pour la parité, tu sais, le quota des gros, mais…
― Oublie un peu ton travail, susurre-t-elle de sa voix la plus sensuelle.
Elle se frotte à lui lascivement. Il recule, saisit le crâne et le met entre eux. Elle grimace méchamment.
— J’ai pas la tête au rut. Tu comprends, les législatives, les mots justes qui m’échappent, les…
— Tu sais ce que disent de toi tes détracteurs ? crache-t-elle. Je suis bien placée pour savoir qu’ils ont raison.
Lordius