Du printemps et des automnes

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Hier soir, comme tous les soirs depuis le début de notre mission, j’ai rencontré O’Flaherty au Ruth’s Chris Steak House.
Il m’a balancé le fond de sa pensée, tout en colère rentrée, bien dans les manières de cet Irlandais nourri à la mamelle de la vieille Angleterre.
― Bon, que les choses soient claires, a-t-il dit, j’exécute mais je n’approuve pas. Staboulov nous a mouillé dans sa combine pour dissimuler ses magouilles.

Il s’est arrêté de parler et a jeté un œil autour de lui. Personne ne semblait faire attention à nous. La brasserie était bourrée de monde et avec le bruit de fond, de toute façon, il aurait été difficile de nous entendre à deux mètres.
― Ça fait longtemps que tout le monde dans la boîte sait que Jones et Ghidetti sont une seule et même personne. Toi-même...
Moi-même, oui… Une chose me turlupinait cependant.
― Mais pourquoi Staboulov a caché l’affaire jusqu’à maintenant ? ai-je demandé.
― Pour ne pas défriser Charly Wang. Tu sais, ce type arrose la fondation. On reçoit de l’argent du gouvernement fédéral mais c’est loin de suffire. Jusque-là, le Chinois couvrait son homme de main. Mais apparemment, il a décidé de le lâcher.

Ce revirement du représentant de l’Inside City n’avait sûrement rien d’anodin. L’ancien membre du Guoanbu avait tout compris des manières de surnager en eau trouble. J’ai repensé à cette phrase qu’il avait l’habitude de prononcer lorsqu’on lui reprochait un coup tordu : « Il est plus sûr d’être craint que d’être aimé. » On était bien loin du vieux Lao Tseu.


Édouard.k.Dive

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