Deuxième séquence : Crochetrain
― Nom de Cuc ! s’écria le père Fétiche d'une voix de stentor, ce sont là les premières vapeurs, heu… non, pardon, je veux dire : les premières preuves, vraiment importantes de ce dossier scélérat, on est dans le bon, Crochetrain, grâce à ceci nous allons progresser d’une manière foudroyante. Passez donc dans le petit buvard d’à côté, mon vieux, il reste probablement encore quelques bandes magnétiques à auditionner. Moi, je m’occupe des photos, elles ne sont pas mal.
L’Écholapsus :
Ah, enfin un indice ! Et un indice de taille : l’auteur ose citer Coq.
Consignons bien vite ce nom d’oiseau (un peu ridicule, je vous l'accorde), car j’ai bien l’impression qu’il va émailler ce récit de façon lancinante.
Heureusement que vous pouvez compter sur ce bon vieil écholapsus pour
éclairer votre lanterne.
― Encore auditionner des bandes magnétiques ! pensa Crochetrain. À ce régime-là, je vais y
passer ma vie. J’aurais mieux fait de me reposer le tour où j’ai tartiné des dossiers en quête de tout cela.
Une odeur de vieille chaussette envahit soudain le bureau.
L’Écholapsus :
Enquête ! Un indice en
faveur du « montage ». Il semble évident que le texte qui nous est proposé a été reconstitué à partir de vieilles bandes magnétiques, probablement récupérées dans la poubelle, par la
police des fous (1).
Ce tour-là, bien des chaumes avaient changé.
Il se sentait flotter sur un nuage rêveur.
Il se rappelait, avec un bon sourire, cette époque à présent pétrifiée où, avant de devenir étrangleur, il avait
été un danseur de claquettes notoire, et une envie soudaine se saisit de lui.
―
Pour clarifier tout cela, en route pour Combes-la-Buse, avenue de la Gare, cria l’envie. Si ton chemin passe par le start, tu toucheras
vingt mille euros.
Georgie de Saint-Maur
1 Pour en savoir plus sur « la police des fous », on se référera avec succès aux chroniques
La Mour anartiste.
Que renferment ces mystérieuses bandes magnétiques ? Qu’y a-t-il donc à trouver à
Combes-la-Buse ? Crochetrain est-il sur la bonne voie ?
Est-ce que le
père Fétiche a toute sa tête ?
Écho n°19, par Georgie de Saint-Maur
:
J'ai écrit le Père Fétiche en 1969. Je ne l'ai jamais relu, sauf à travers les anlayses des autres. Je songe tout particulièrement à Le Père chétif, même de Louis Puff paru aux éditions Rasse et surtout au monumental, au gigantesque et
incontournable Les Silences du père Fétiche de Léon Troudard, paru chez Art et Public.
Nous voici arrivés aujourd'hui à un point crucial : celui de la suite.
Vos commentaires m'ont enchanté.
Ils ont ouvert une brèche dans la muraille du texte qui, facile à lire, n'en est pas moins difficile à
comprendre.
Merci.
Écho n°20, par S.C.S.
:
Cher Georgie,
L'accès à votre intelligence flatte nos vanités ! je ne vous cacherai pas que demain, si si ! je saurai dire à
mes arrières petits enfants ! J'y étais.
Donc, je me promenais sur l'échiquier de
votre histoire quand tombant de votre cheval en sang, j'aperçus au loin, un pion, le Pion !... Et me vint cette interrogation : Crever, n'est-il pas le fils Riper, fils de l'épicier que je connus
enfant, quelques années avant 1969, et qui commençait toujours ses phrases par : « ...Eh'l temps ?... »
Voyez comme votre litho m'a troublé. Tout me paraissait si clair avant !...
Je compte sur vous.
Écho n°21, par Dominique
:
Bravo à l'auteur qui jongle avec les mots et
l'humour.
Bravo à l'éditeur qui a su déceler en Georgie de St Maur, un artiste
hors du commun !
Vivement la suite...
Écho n°22, par Georgie de Saint-Maur
:
Cher S.C.S., pardonnez moi ce temps de réflexion et permettez-moi de
vous féliciter.
échiquier est très important. Bravo. Les cellules sont les abscisses et les ordonnées des cases de celui-ci.
Un cheval de sang est habilement proposé. L'image est belle, mais il n'y aura pas le sang que versa, jadis,
Jack the ripper (avec deux « p », je pense). Le père Fétiche, même si il égorge les mots ne fait point couler le sang, mais l'encre. Il est plutôt l'espion que le pion quand
bien même il se soucierait du temps qu'il fait et du temps qui passe. Bravo pour vos déductions. Chapeau.
Écho n°23, par Georgie de Saint-Maur
:
Chère Dominique,
Merci pour tous ces compliments. L'éditeur et moi vous en sommes reconnaissants.
N'essaierez-vous pas de commenter le Père Fétiche ?
Merci de votre fidélité à
l'Abat-Jour.
Écho n°24, par Georgie de Saint-Maur
:
Chère Dominique,
Permettez-moi de vous féliciter. Oui, Crochetrain est un faire-valoir. Oui, l'écholapsus ne contredira jamais
personne.
Malheureusement vous vous êtes trompée de séquence et vous avez placé
cotre commentaire dans celle de la semaine passée : « Crevert »...
Il
fallait choisir : « Crochetrain ».
Merci, en tout cas, de votre
avis éclairé par la lanterne de votre fidélité et de votre gentillesse.
Écho n°25, par Georgie de Saint-Maur
:
Suant l'encre, le Père Fétiche égorge les mots pour en boire le sens
dans une nouvelle eucharistie.
Écho n°26, par Philippe Sarr
:
Cher Georgie,
Ces mystérieuses bandes magnétiques... Ne seraient-elles pas crochetraignantes, donc bavardes par essence,
solidement encrées dans le fol tissu de notre méme collectif (écholapsulaire comme je le disais dernièrement). Alors, si l'indice est à la volaille (pardon, à la bonne
taille !), coq en pense certains d'entre nous, me demande vraiment et en cuq conscience, si dans ce (chau)texte en kit
(comprenez-moi bien, j'y aurais laissé monter les phones), ne figurerait pas, tapi dans le
start, quelque nom célèbre, à l'envie ?
(Georgie, vous êtes prié de répondre !...)
PS : à l'adresse de Père Fétiche, seulement : « Combes t'abuse ! ». Je répète : « Combes
t'abuse ! »
Bonne journée à tous !
Écho n°27, par Foutros Foutros Gali
:
« de vieilles bandes magnétiques,
probablement récupérées dans la poubelle, par la police des fous »
comment ne pas y
lire’un constat
lucide de la récupération du surréalisme (les vieilles bandes magnétiques => référence évidente aux Champs magnétiques de Breton et Soupault, bientôt un siècle), dans les poubelles du marché
(de l'art, du savoir), par la police des fous : neutralisation, affadisation, reterritorialisation castrant le surréalisme de tout son potentiel subversif.
On étudie
le surréalisme à la fac.
On en fait des expos, en censurant le chapitre
politique.
Mme Parisot, dont les quotidiens (ces langes)
parlent beaucoup ces derniers temps, est une grande collectionneuse d'art surréaliste.
La mour anartiste ? Il faut lire
« mourre » et tout s'éclaire : l'insus que sait de l'une bévue s'aile à mourre, référence directe au débagoulage mallarméen du docteur Lacan (séminaire XXIV), brillant représentant de
la police des fous (cf. son concept de « points de capiton »). L'anartiste, c'est ainsi que se dénommait Duchamp. Il faut savoir qu'un dîner avait été organisé pour faire se rencontrer
Lacan et Duchamp (lire récente biographie de Duchamp par Judith Housez). Lacan s'était conduit comme un véritable inspecteur, "cherchant" Duchamp, qui a préféré, comme à son excellente habitude,
observer le silence. Le silence de la mer, de la mourre : résister, ne pas se laisser arraisonner par le réductionnisme, quel qu'il soit.
On
lit donc à la fin
de ce chapitre la dette du Père Fétiche au surréalisme, à ses initiateurs indirects comme Duchamp, et à l'antipsychiatrie, de même que son hostilité à tous les récupérateurs, aux fossoyeurs de la
subversion, aux marchands, aux éducastrateurs.
Écho n°28, par Georgie de
Saint-Maur :
Cher Philippe, la pertinence de vos commentaires me
réjouit.
écholapsulaire est un beau mot. Je vous remercie de l'avoir inventé (et défini).
Pour ce qui est des noms célèbres, votre flèche a atteint le milieu de la cible. Hélas, je ne peux pas encore
les livrer (nous n'en sommes qu'au deuxième épisode), mais je peux livrer leur prénom : Marcel, Boris, Raymond et René sont bien au rendez-vous.
Permettez-moi de vous féliciter pour la façon dont vous traquez le sens de l'anti-texte, un peu comme on le
ferait d'un renard à la chasse à courre. Renard dont nous reparlerons sous peu, car il va de soi que...
(Si vous souhaitez poursuivre cet entretien, veuillez reformuler un commentaire)
Écho n°29, par Georgie de
Saint-Maur :
Cher Foutros Foutros Gali, permettez-moi de vous remercier
pour avoir résumé si brillamment les racines du père Fétiche, qui non content d'égorger les mots avec le couteau qui brille sous la lune, se castre bruyamment sur des bandes
magnétiques.
Oui le surréalisme est là. Avec son Pape et ses infernaux acolytes.
Eux qui ont si mal traité René Magritte pour lui préférer un Dali couard, qui fuyait le fascisme. Oui la police des fous est bien la fossoyeuse d'un savoir éminemment politique et anartiste est
un mot que j'ai composé moi-même, avant d'apprendre qu'il était de Marcel Duchamp (voir le texte La Muse empaillée).
Bravo ensuite pour votre fine analyse, l'anti-texte se gonfle de sens comme une éponge naturelle placée au bord
d'un tub dont nous connaissons l'image.
Bravo pour Lacan et son appétit policier,
sa façon de braquer la lumière dans le visage de Duchamp. Mais c'est là qu'intervient l'Abat-Jour, son sang-froid, son cynisme parfois, mais surtout son grand courage
éditorial.
La Mour anartiste sera le « prix concours » de mon
prochain jeu dans L'Ampoule, et je comprends très bien que...
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Écho n°30, par Marianne Desroziers
:
Intriguée par cette mystérieuse histoire, je sors de ma réserve
légendaire pour ajouter mon grain de sel... Joueuse invétérée (je gagne régulièrement au Scrabble, sauf contre Franck Joannic, redoutable adversaire !), je m'interroge sur la nature du Tépapoly :
serait-ce un monopoly moins monomaniaque ou bien un jeu qui récompense le joueur le plus malpoli ? Et Crevert, il me fait penser à René Crevel, non ? En espérant ne pas être trop à côté de la
plaque...
Écho n°31, par Georgie de Saint-Maur
:
Bravo et merci chère Marianne.
René Crevel bien entendu. Vous êtes très forte !
Et vous sortez de votre délicieuse réserve pour oser commenter les déboires de pauvres joueurs de
Tépapoly.
J'aime beaucoup le scrabble. J'y joue régulièrement avec la femme de ma
vie.
J'aime encore mieux le Pandémonium, bien que’je n'y fasse jamais le moindre commentaire.
j'aime
beaucoup vos écrits. Leur sensibilité, leur charme si particulier.
J'aime beaucoup
vos interviews, votre carrure d'éditeur.
Je pense que vous êtes un auteur de
premier plan
Le plus amusant est que vous ayez mis dans le mille dès le premier
commentaire.
Mais attention. Il reste Edward et
Lewis.
Le père Fétiche parait si simple qu'il se laisse facilement
cerner.
Puis il s'échappe par un côté que l'on avait omis de
protéger.
Le père Fétiche est le renard du jeu le Renard qui passe. Il ne respecte aucune des règles de la dramaturgie.
je vous
souhaite de percer l'énigme (facile) du père pou pouvoir, vous-même, vous acquitter de la dette que vous avez vis-à-vis de tous ceux qui prétendent être votre
père...
je vous prie de croire...
(Si vous souhaitez poursuivre cet entretien, veuillez reformuler un
commentaire)
Écho n°32, par
Franck Joannic :
Pour revenir au jeu (le Tépapoly, pas le Scrabble), la
rivalité qui se dessine entre Crevert et le duo père Fétiche/Crochetrain est-elle la clé de l'histoire, ou est-ce seulement un leurre, voire une illusion ? En fin de compte, n'est-ce
pas plutôt l'Echolapsus qui joue au Tépapoly avec le lecteur ? Gagner la partie reviendrait alors à percer l'énigme du texte...
Écho n°33, par Georgie de Saint-Maur
:
Cher Monsieur Joannic, cher Franck,
Vous voilà, vous aussi, sorti de votre réserve. Et ce pour m'asséner une salve
fulgurante.
Que répondre ? un croiseur coulé et un torpilleur touché. Je
m'explique : vous avez trouvé « rivalité », permettez-moi de vous féliciter. Vous avez trouvé un lien entre Crochetrain et le père Fétiche. Encore bravo. Crochetrain serait-il le fils
du père ? Ou le frère de Crevert ?
Le Tépapoly est un jeu qui vise à percer le sens du texte ? Waow, le coup n'est pas passé loin. Mais ce n'est
pas ça !
L'écholapsus ne joue pas au Tépapoly, il éventre le texte et son discours
se trouve en marge du discours des autres. L'écholapsus est un travesti.
En tout
cas, l'anti-texte subit une formidable pression.
Résistera-t-il ? Et
combien de temps ?
Écho n°34, par S.C.S.
:
Cher Georgie,
Un peu pressé, donc télégraphique : Pensais pas vous écrire si tôt. Ce matin, surprise. Reçu 200 € pour un
trop perçu (caisse RSI). 200 € - case départ recevez... Comment ne pas penser à vous. Au Tépapoly, touche-t-on quelque chose en passant sur quelque chose ? 200 injures, 200 insultes, 200 heures
de sommeil ? (en cabine)... Dites !
Écho n°35, par Georgie de Saint-Maur
:
Cher S.C.S., je me félicite de votre trop perçu, et je m'associe à
votre joie.
Vous savez, je l'espère, combien j'apprécie vos
commentaires.
Voilà que nos deux courageux éditeurs s'y risquent brillamment.
Avez-vous lu leur interprétation ?
Non, à part en passant par le
« start » comme révélé supra, on ne gagne pas d'argent au Tépapoly. Par contre, dans « L'Ampoule », je relance un concours qui pourrait vous amuser. Un magazine récompensera
le vainqueur.
Merci et...
(si vous souhaitez poursuivre cet entretien, veuillez reformuler un commentaire)