La descente et l’accomplissement
Staboulov travaillait sur l’effet cathartique du délire. C’est ce qu’il nous avait expliqué lors de la réunion de présentation du projet thérapeutique. Beaucoup d’entre nous ne comprenaient pas de quel délire il parlait mais qu’importe.
Il avait apporté quelques changements dans le fonctionnement du centre. Il voulait amener de la souplesse à un fonctionnement « un peu sclérosé », avait-il dit. Le conseil des usagers de Valvert avait été rebaptisé « Groupe de parole ». Le grand sachem nous avait aussi demandé l’autorisation d’enregistrer les réunions, « gage de transparence », avait-il précisé. Au premier groupe de parole, les débats avaient été houleux. Certains dénonçaient une dérive totalitaire. David G. défendait les positions de la direction. Soares, quant à lui, commençait à installer les micros.
Et moi, de quel côté étais-je ? Usager du centre Valvert ou chroniqueur anonyme ?
Mon identité semblait se dissoudre au gré des péripéties de l’histoire. Des noms affleuraient à la surface d’une conscience aux abois : Raoul Da Silva, Jack Rimasky et d’autres plus évanescents encore… Cette sensation ne m’était pas étrangère. C’était comme un retour après une longue errance, un prélude à la transmigration des âmes : la mienne, comme une évidence, s’appelait Timothy.